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Rencontre avec Pauline Lhote, Chef de cave pour Chandon en Californie

22/13/2018

Pauline Lhote est la chef de cave de Chandon à Yountville en Californie, l’avant-poste nord-américain de Moët & Chandon. Après des vacances d’hiver dans sa famille en France, elle est rentrée pour partager avec nous un peu de l’œuvre de sa vie.
 

Pauline Lhote

Parlez-nous de votre parcours dans le vin, comment vous en êtes venue à travailler avec et qu’est-ce qui vous pousse à continuer ?
J’ai grandi en Champagne mais pas dans une famille de tradition vigneronne. Mes parents ont acquis un vignoble dans l’Aube quand j’avais 10 ans, et c’est à 14 ans que j’ai décidé de devenir œnologue, et depuis, je n’ai jamais hésité. Lorsque l’on vit en Champagne, il est naturel d’en consommer régulièrement mais j’ai choisi des études pratiques en viticulture et œnologie, en suivant une étape après l’autre. J’ai eu mon diplôme d’œnologie à Reims en 2005 grâce auquel j’avais fait 10 mois de stage chez Moët & Chandon pendant la période d’explosion du rosé et j’ai donc pu étudier les cuvées de base autant que les Dom Pérignon. Ensuite j’ai travaillé un peu chez Nicolas Feuillatte puis je suis retournée à Reims pour passer ma maîtrise. Je suis alors retournée chez Moët & Chandon où l’on m’a proposé de partir à l’étranger en Argentine, Australie ou Californie. J’ai choisi la Californie pour améliorer mon anglais, et parce que mon frère et mon père avaient eu de bonnes expériences aux USA précédemment. J’ai commencé à Yountville en août 2006 pour un stage de 3 mois et je ne suis jamais repartie.

Avez-vous envisagé d’autres carrières ?
Si je n’avais pas réussi mes études d’œnologie, je ne sais pas ce que j’aurai fait.

Qu’est-ce qui vous a inspiré en Californie ?
Avec mon esprit ‘Champagne’, arriver ici a été une révélation. J’ai été surprise par la diversité des terroirs de Napa, notamment les variations de climat au sein de la région. Vous pouvez observer deux semaines d’écart de maturité à une distance de 25 minutes en voiture. J’ai eu de grands mentors comme Richard Geoffroy en France et Tom Tiburzi ici à Yountville qui m’ont poussée à rencontrer les consommateurs, à passer du temps au centre d’accueil pour comprendre ce que les consommateurs aimaient boire.

Y a-t-il d’autres régions productrices de vins effervescents que vous appréciez ?
Je suis allée en Australie en 2011 pour 5 mois ce qui fut très intéressant, et j’ai aussi travaillé un peu sur notre site en Argentine. Cela m’intéresse toujours de déguster des vins d’ailleurs.

Comment les sommeliers devraient-ils présenter les différences entre les sparklings californiens et les Champagnes ?
Les effervescents se définissent par trois choses : comment ils sont faits, les cépages, la région. A Chandon, nous souhaitons fabriquer des vins représentatifs de l’endroit où nous trouvons les raisins. Ici nous produisons des vins plus fruités et plus éclatants qu’en Champagne bien que nous utilisions les mêmes cépages et les mêmes méthodes. Nous voulons montrer ce que la Californie a à offrir.

En clin d’œil aux actuels événements sociopolitiques, quelles différences avez-vous remarquées entre travailler aux USA et en France ?
Je ne pense pas que les attentes soient différentes à poste égal. Je vis aux USA depuis 12 ans et je ne suis pas restée longtemps en France depuis un moment, mais je pense que cela dépend de l’entreprise pour laquelle on travaille. De nos jours les femmes sont plutôt bien acceptées, il y a un gros effort pour l’égalité des droits sur le lieu de travail ce qui a permis aux femmes de grimper plus facilement les échelons dans les entreprises. Que ce soit en France ou aux USA, l’environnement reste dominé par les hommes, peut-être plus en France qu’aux USA, mais où que ce soit, il subsiste de petites difficultés.

Quel est votre accord mets-vins préféré ?
Le grand avantage des vins effervescents est qu’on peut les accorder facilement, mais je pense que Chandon Rosé passe bien avec un burger – un accord auquel les gens ne pensent pas aisément.

Que pensez-vous du projet d’extension de l’appellation Champagne ? Est-ce seulement pour répondre à une demande croissante de Champagne ou est-ce que les changements climatiques et de meilleures connaissances techniques contribuent à cela ?
L’appellation Champagne n’a pas bougé depuis longtemps donc sa révision est une bonne chose. A l’heure actuelle il y a de grands terroirs et régions exclus de l’AOC qui mériteraient d’y être. Je ne pense pas que la demande ait une influence sur ce changement sinon cela aurait été fait depuis longtemps. C’est réellement une approche par le terroir.

Avec une curiosité croissante pour de nouveaux styles et interprétations des vins traditionnels parallèlement à l’amélioration de la production du vin, verrons-nous bientôt des vins rouges effervescents fabriqués en Californie à partir de Meunier et de Pinot Noir ?
Oui, très certainement. Mettre en exergue les caractéristiques du Meunier et du Pinot Noir de Californie, en particulier des régions de Carneros, est vraiment important. On obtient une telle intensité et une telle diversité aromatique avec ces deux cépages au travers de la création vins très intéressants.

David Furer