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Château Bernadotte

18/06/2018
Le bourgeois fait sa révolution de palais

Fort d’une histoire singulière, le avec ses 40 hectares de vignes a engagé un nouveau virage depuis sa reprise en 2012 par Antares Cheng, un homme d’affaires hongkongais propriétaire d'un réseau de duty free. Avec un bond qualitatif spectaculaire sur les derniers millésimes.
 

château Bernadotte

Le domaine, acquis en 2007, en même temps que Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, par Champagne Louis Roederer, a été repris en décembre 2012 par le King Power Group (HK). Une acquisition qui s’inscrit dans la stratégie globale d’expansion du groupe pour élargir le champ de ses activités. Alors pourquoi ce discret Haut-Médoc, reconnu pour sa régularité, mais resté si longtemps à l’ombre d’une prestigieuse Comtesse ? « Plusieurs raisons : une distribution commerciale par la Place de Bordeaux bien rodée, un potentiel qualitatif important avec un chai performant et adapté, et une notion d’histoire, » résume Guillaume Mottes, ancien directeur général du Château Siran, à qui Antares Cheng a confié les clés de la maison quelques jours seulement après son acquisition. « C’est une histoire singulière que celle du nom de ce Cru Bourgeois du Médoc. Bernadotte, c’est le lieu-dit d’une parcelle choisie par monsieur Eklund, l’industriel Suédois qui avait racheté la propriété en 73, pour rebaptiser son château qui s’appelait alors Fournas. Car c’est aussi le nom d’un sergent, fils d’un bourgeois palois, devenu maréchal et promu roi de Suède en 1818 par Napoléon et dont la couronne orne l’étiquette. » Singulier destin dont on fête cette année le bicentenaire à Pau…

Et c’est maintenant au tour du château de faire sa révolution de palais pour redonner son lustre à ce Cru Bourgeois. « Longtemps la propriété de Pichon Comtesse, Bernadotte a bénéficié de toutes les attentions, de processus d’élaboration d’une qualité incontestable, planté à 10 000 pieds l'hectare comme les grands, mais il se devait de rester à l’ombre de Pichon Comtesse. Aujourd’hui, la différence, c’est que Bernadotte a une équipe 100 % dédiée, ce qui permet d’être plus pointu. L'orientation prise est de lui donner un peu plus de chair sans compromettre l'élégance. Et de tenter des audaces commerciales, avec notamment l’ouverture d’un bureau en Chine en 2015, » explique Guillaume Mottes.  

Quête de précision, pureté et sensualité

Le travail profond entrepris depuis 5 ans par les équipes techniques, en partenariat avec l’œnologue conseil Hubert de Boüard, s’est articulé notamment autour d’une nouvelle sensibilité environnementale récompensée par la certification AREA2 et HVE3, et d’une conquête sur la maturité du raisin par un meilleur équilibre physiologique de la vigne. « Nous prenons plus de risques dans les vignes et nous avons investi dans du matériel de tri, » souligne Guillaume Mottes. Une évidence aujourd’hui pour qui veut apporter davantage d’équilibre. «  Il y a eu 3 écoles à Bernadotte, Madame de Lencquesaing favorisait des extractions importantes dans les vinifications, Roederer souhaitait plus de finesse et a ouvert la voie à ce que l’on fait aujourd’hui. » En effet, jusqu’en 2012, Bernadotte ne se livrait pas sur l’instant, c’était un vin plus intellectuel que charnel, qui s’exprimait sur la longueur et dans le temps. La nouvelle équipe cherche une personnalité plus généreuse, accueillante dès le départ, privilégiant l’élégance et le charme immédiat.

Dans cette logique, le processus de vinification a également été revu avec des extractions plus douces, qui n’écrasent pas le velouté et développe le côté flatteur, basé sur une approche du fruit et de la rondeur. Au final, l’évolution est nette à la dégustation. Au fil des ans et des détails, des améliorations accumulées, Bernadotte monte en précision. Dès 2013, le vin impose une autre vérité, offrant un plaisir plus délicat. La politique de commercialisation est également revue : pas de sortie primeur pour les 200 000 bouteilles du domaine.

Mais c’est le 2014 qui va servir de repère. Un millésime qui va marquer une rupture. Temporelle et viticole. Tout simplement parce qu’il incarne les premiers effets de la nouvelle politique. Du fruit, de l’élégance, plus de tension, de soyeux, quatre points cardinaux qui ont séduit les critiques : noté 90 par James Suckling ou encore 91 par Roger Voss du Wine Enthusiast. Les millésimes suivants associent une puissance contenue et un toucher de taffetas souverain, sans arrogance, délivrant une émotion naturelle. La couronne scintille à nouveau, et Bernadotte compte bien continuer sa révolution, de velours cette fois, qui s'étoffe à la garde, avec une montée en puissance racée et complexe.

Bénédicte Chapard

 

Le commentaire de Gérard Basset

Château Bernadotte, Haut-Médoc, 2014

Couleur rouge rubis avec une frange pourpre. Nez de fruits noirs, surtout le cassis, bien soutenu par des touches de cacao. Au palais, le vin présente des tanins bien mûrs. Les arômes de bouche sont sur les épices et sur la mûre. À servir avec des rognons à la moutarde.

 

www.chateau-bernadotte.com