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Grand Enclos du Château de Cérons

03/11
Vigneron
Portrait de Vignerons Bordelais Grand Enclos du Château de Cérons

UNE AVENTURE, UNE RENAISSANCE

Ils sont trois à m'accueillir en ce matin d’hiver. Trois hommes différents et complémentaires qui vont me parler d'amour et d'aventure. Trois personnages unis par une même passion pour les vins du Grand Enclos du Château de Cérons .


Bertrand Léon, Giorgio Cavanna et Francis Unique
Il y a d’abord Giorgio Cavanna, direct et énergique, l’ingénieur Italien qui se plaît à relever les défis. Puis Bertrand Léon, l’oenologue, plus réservé mais dont les yeux pétillent lorsqu’il parle de cépage et de terroir. Et Francis Unique, commercial enthousiaste qui se charge de diffuser les vins du domaine et sait si bien trouver les mots pour en chanter les louanges.

La passion de Giorgio Cavanna pour le vin lui est venue très jeune. En 1973, son père et quelques associés se réunissent pour remettre en état et exploiter une propriété de Chianti Classico en Toscane, entre Sienne et Florence. Ils étaient amateurs de bonne table et de bon vin mais novices en matière de viticulture. Ils se heurtèrent à quelques difficultés techniques jusqu’à leur rencontre, en 1981, avec Patrick Léon, oenologue à l’expérience inégalée dans la vinification des plus grands vins du monde, alors en fonction chez Alexis Lichine. Avec son aide, un travail de fond couplé à une forte activité commerciale de développement, ont fait du vin du Castello di Ama un des rouges les plus réputés en Italie.

Un pari audacieux

Une grande amitié s’est développée entre les deux familles, les enfants ont grandi... Au décès de son père, Giorgio Cavanna a eu envie de porter son propre projet «dans la région qui a toujours été un idéal d’un point de vue de la qualité, de la culture, de la science du vin : Bordeaux». C’est Bertrand Léon, le fils de Patrick, qui trouvera la perle rare. Un jour, début 2000, lors d’un déjeuner, il parle à Giorgio Cavannade cette propriété dans les Graves, proche du domaine familiale de Fronsac qu’il a en charge. Mais le Grand Enclos de Cérons, avec ses dix hectares ceinturés d’un mur de pierre de trois mètres de haut en plein centre du village et les 16 hectares situés sur le plateau de Podensac, est en déshérence... Qu’importe ! Le domaine a un très beau potentiel : il produit à la fois du blanc, du rouge et un liquoreux. La passion l’emporte et Giorgio Cavanna, séduit, prend l’audacieux pari «avec le plaisir de défier l’impossible dans un objectif hautement qualitatif ».


Un travail de fond

Les deux hommes ont le même goût du vin. Ils rendent vie au vignoble et modernisent les installations. Un cuvier inox thermorégulé dans un bâtiment de pierre au toit de cuivre est contruit en 2002 à l’entrée de la propriété. Le chai à barriques, agrandi et rénové avec une esthétique époustouflante, digne d’un grand cru classé, donne aux vins le loisir de mûrir en toute quiétude. L’outil technique est remarquable.

Mais pour rendre sa noblesse au Domaine, il a fallu réorganiser le vignoble : «Nous avons des vignes très anciennes - même de vieux Sémillons de 70 ans d’âge qui donnent une bonne partie de sa qualité au Cérons liquoreux - et puis d’autres un peu plus récentes. On a complanté là où c’était possible. On a arraché et replanté de très vieilles parcelles qui avaient énormément de manquants. Cette région est à l’origine une région de blancs et de liquoreux. Au départ, il y avait très peu de rouges, 4 hectares seulement. On en exploite aujourd’hui 15. Nous avons fait des surgreffages sur des vignes plus jeunes en Merlot/Cabernet pour constituer la base du vignoble de rouge». explique Giorgio Cavanna.


Une philosophie

La recherche de la qualité commence dans les vignes. Ici, les traitements chimiques de jadis sont laissés pour compte. Les labours, l’effeuillage et les vendanges redeviennent manuels. La vigne ainsi travaillée minutieusement rend ce qu’on lui donne en fournissant un raisin parfaitement sain, qui sera ramassé en cagettes et trié sur pied, puis à son entrée en cave. L’homme pourra ensuite élaborer des vins d’exception, dans une expression parfaite du terroir. Les rouges du Grand Enclos de Cérons ont cette prétention. Ces vins au bouquet velouté, racés, puissants et d’un équilibre idéal, prendront en vieillissant toute la noblesse de leur rang. « La tendance actuelle est d’abonder avec le Merlot qui est plus flatteur. Sans chercher à nous démarquer, nous choisissons de conserver un équilibre 50 % Merlot et 50 % Cabernet pour garder le nerf, la colonne vertébrale qui est constituée par le Cabernet sur des graves. Après, il faut bien sûr s’adapter en fonction du millésime.» précise Bertrand Léon.
« Nous respectons le travail fait pendant beaucoup d’années par les exploitants du Bordelais mais nous souhaitons fondamentalement faire les vins qui nous plaisent. On pourrait nous qualifier “d’intégrisme viticole”, alors nous avons essayé. Certes, le Merlot est un cépage plus facile, on a tendance à en mettre un petit peu plus pour être plus proches du marché... mais après 10 ans de reprise en main des vignes, on constate qu’une fois le Cabernet ramené à sa vraie force, le meilleur vin à l’assemblage est celui où ce cépage est bien présent. Il a des qualités de garde et gustatives. Et aujourd’hui on extrait mieux, on a des vins plus ronds, plus prêts à boire mais qui se gardent toujours très bien. Donc le progrès, finalement, ramène au grand classique, aux expressions de ‘dans le temps’, plus élégantes, plus fines... un autre goût ! » ajoute Giorgio Cavanna avec un sourire. « Sur les blancs secs, c’est la même chose, nous ne nous plions pas aux désirs du marché qui réclame des vins prêts à boire, très sauvignonnés, qui sont très plaisants jeunes car plus aromatiques, plus frais. Nous gardons une part de Sémillon significative, de l’ordre de 50 à 60 % car c’est lui qui donne au vin toute son ossature et sa légitimité. Nous voulons faire un vin blanc sec de garde, qui donnera le meilleur de lui-même au bout d’un an de bouteille. Il lui faut un peu de temps pour s’affiner mais après ce sont des vins qui peuvent vieillir, 5,6,7 ans sans soucis » reprend Bertrand.

Une renaissance

« J’ai pris l’aventure en chemin, puisque j’ai rejoint l’équipe en 2007, explique Francis Unique, et je suis un peu le porte-parole de tout le travail et de la philosophie de la propriété. Cette fidélité aux cépages difficiles porte ses fruits : de millésime en millésime, nos vins gagnent en finesse, en complexité, en expression. Aujourd’hui, très modestement, nous sommes une des références de la région en blanc. Même chose en liquoreux. C’est une appellation très confidentielle, une des plus petites AOC du monde, mais qui donne des vins dont l’histoire raconte une qualité comparable aux grands crus de Sauternes. Pour le rouge, le chemin a été plus long mais, au final, le résultat est là avec des vins d’une grande profondeur et complexité. C’est maintenant plus un travail de reconnaissance au milieu d’une offre bordelaise qui est énorme. Nous sommes très fiers de pouvoir constater que nos 2000 sont encore en très bonne forme même si c’était notre premier millésime. Et au final, la vérité est toujours dans la bouteille... »
« C’est une belle aventure, une renaissance, car même si 10 ans c’est encore très jeune, dans le contexte viticole c’est une première étape. Mon père m’avait appris : 5 ans, c’est un premier cep... 10 ans, on ne peut plus se cacher ! La vigne, c’est comme un bonsaï : pendant 10 ans, on l’a façonnée, on lui a imposé notre marque, on lui a donné la direction à suivre. On a imprimé au vignoble ce qu’on veut lui faire faire et on peut revendiquer entièrement la qualité de nos vins. » complète Bertrand Léon.
Que de flamme, d’espoirs et de volonté chez ces trois hommes qui portent le Grand Enclos du Château de Cerons dans le cercle des meilleurs et qui résument leur philosophie dans un éclat de rire et une phrase toute simple : « On est passionnés, on se bat!!!».
Dominique Peyral-Bon
Grand Enclos du Château de Cérons
12, Place Charles de Gaulle
33720 Cérons
Tél. +33-5-56-270153
www.le-grand-enclos.com