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Interview de Gabriela Furlotti (Soluna Wines)

11/10
Monde
Monde Argentine



Interview de

Gabriela Furlotti


Gabriela Furlotti est Directrice de Soluna Wines, dont la production viticole est certifiée par le FLO (Fairtrade Labelling Organization). Cet engagement 100 % Commerce Equitable signifie que chaque bouteille Soluna permet d’améliorer directement les conditions de vie des petits agriculteurs avec qui ils travaillent. Rencontre.
Bonjour Gabriela. Tout d’abord, pouvez vous nous présenter les différentes entités que sont Furlotti, Vina de la Solidaridad et Soluna?
Le concept est divisé en trois unités :
- BodegaFurlotti est la site de production de notre vin. 100 000 bouteilles sont produites chaque année. C’est la plus petite Bodega de Mendoza.
- Vina de la Solidaridad est une association à but non lucratif qui est constituée de 19 petits producteurs et contratistas auxquels nous achetons le raisin. En plus d’être des employés agricoles, les contratistas vivent sur les terres avec leur famille. Leur revenu est alors constitué d'un pourcentage du produit de la récolte de raisins. Malheureusement, la crise de 2001 et la dévaluation du peso affectent durement ce statut.
Le nombre de contratistas est passé de 12 000 à
4 000 en dix ans.
- Soluna est le nom du vin, notre marque, qui est uniquement produit à partir de raisins achetés à l’association Vina de la Solidaridad. Sol et Luna sont les traductions espagnoles de Soleil et Lune, qui sont notre logo. Il représente l’association des pays riches et des pays pauvres.

D’où est venue l’idée d’un tel projet?
Vous savez, en Argentine, tout le monde se moque des petits producteurs. On s’intéresse davantage aux bodegas, aux œnologues… On met davantage l’accent sur le côté glamour du vin, tout en ignorant totalement les gens qui travaillent la terre des vignobles depuis des dizaines années. Alors l’idée est venue d’aider et de protéger les petits producteurs en les réunissant.
De plus, la ville grossit de plus en plus et réduit peu à peu la part de terre agricole. Seulement 5 % de la région de Mendoza est cultivée, et seule une petite partie est dédiée à la viticulture. Ici, on est au beau milieu des villas alors qu’il y a 20 ans, c’était plein de petits vignobles les uns à côté des autres. Les vignes sont remplacées par des Gated Communities.
Mais même si cette terre est très bonne pour le vin, la viticulture ne peut pas entrer en compétition avec l’urbanisation car il n’existe aucune réglementation à ce sujet. Ici, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, et construire une maison au beau milieu des vignobles. Ce ne sont pas des terres protégées.
Malheureusement, 99,9 % des petits producteurs sont proches de la ville et disposent de moins d’1 hectare à cultiver, ce qui, ici, est minuscule et très difficile à rentabiliser. Et, face aux difficultés économiques qu’ils doivent affronter, beaucoup choisissent de vendre leurs terres pour une bouchée de pain afin de pouvoir rembourser leur emprunt ou survivre tout simplement. Pour eux, la viticulture n’est pas rentable.
Donc, notre projet est de les aider dans ce sens-là.

Avez-vous noté une évolution dans la compréhension
de la notion de commerce équitable ici?

Ici, les gens ne consomment aucun produit Commerce Equitable, et vous n'en trouverez pas dans les supermarchés. Si vous parlez de ce concept à un Argentin, il vous regardera bizarrement et vous dira «Qu’est ce que c’est ça?». On va au supermarché pour acheter les choses essentielles et les moins chères, car tout est coûteux et notre situation économique est très différente des pays plus développés. C’est comme la pyramide de Maslow, si vous subvenez aux besoins basiques alors seulement vous pouvez passer au niveau de besoin supérieur.
Les produits issus du commerce équitable sont destinés à des pays plus développés. Soluna est un vin dédié uniquement à l’exportation : en Angleterre, qui est très intéressée par ce label équitable, ainsi qu’en Hollande, Canada, Allemagne, Suisse, le plus gros marché étant les Etats-Unis.

Comment sélectionnez-vous les producteurs
qui pourront intégrer votre association?

Ils doivent remplir certains critères, et notamment d'après les règles édictées par le certificateur FLO:
- les terres exploitées par le producteur ne doivent pas dépasser 10 hectares et être dédiées à la culture de la vigne ;
- le travail des enfants de moins de 15 ans est interdit : ils ne doivent pas travailler dans les vignobles, ni aider pendant les vendanges... Les enfants de plus de 15 ans sont protégés contre les conditions de travail qui pourraient nuire à leur santé ou à leur éducation ;
- les recettes doivent aider à payer la sécurité sociale ;
- de plus, les producteurs ne sont pas autorisés à utiliser de pesticides et ils doivent conserver leurs engrais dans un endroit spécial et non dans leur maison.
Produire du vin dans un processus Commerce Equitable ne signifie pas nécessairement produire bio, mais le concept reste quand même eco-friendly.

Constatez-vous que les conditions
de vie des producteurs s’améliorent?

Le principe même du commerce équitable est de faire en sorte que tout le monde touche un salaire honnête par rapport au travail fourni.
Nous achetons le raisin à un prix juste qui n’est pas indexé sur le prix des marchés locaux ou internationaux. Ajouté à cela, nous donnons une prime sociale qui sera investie dans l’éducation, la santé ou dans d’autres projets sociaux bénéfiques à l’ensemble de la communauté.
Cependant, il y a quelque chose que je tiens vraiment à souligner... Ce que j’ai vu durant ces cinq dernières années dans le cadre de ce projet, c’est une notion plus important que l’argent : c’est apprendre à travailler ensemble, se rendre compte du bénéfice et de la fierté d'appartenir à un groupe, être fier d’être un producteur de raisins.
Je ne sais pas si c’est différent en France mais ici en Argentine, les gens n’ont pas cette culture du «faire ensemble» et de réussir quelque chose en commun. Alors pour nous, il est très important de réussir ce projet.
Mai 2010 – Mendoza, Argentine

Propos recueillis et traduits par Lila Corre,
étudiante de l’ESC Dijon et membre de l’association ESC’prit d’Aventure.

Pour plus d’informations sur Soluna Wines, visitez leur site internet:
http://www.solunawines.com


Vous souhaitez contacter l’association ESC’prit d’Aventure pour en savoir plus sur leur rencontre avec la Bodega Furlotti, contactez Lila Corre : lila.corre@escdijon.eu.