Salon Meet the Pros par SommelierS International

Chaque année, le salon Meet the Pros, organisé par SommelierS International à l'Hôtel de Ville de Reims, réunit sommeliers, restaurateurs, cavistes, importateurs, producteurs et chefs de caves autour d’un même credo : célébrer la vitalité et la modernité du vignoble champenois.

Parrainée cette année par Mikk Parre, Meilleur Sommelier d’Europe - Afrique - Moyen-Orient 2024, cette édition a confirmé la capacité d’adaptation de la Champagne, entre exigence patrimoniale et (r)évolution créative.

L’événement prend chaque année le pouls d’une Champagne en perpétuelle mutation. 38 participants proposaient une sélection représentative de leur production, entre fidèles et nouveaux venus. Les dégustations ont permis d’explorer une large palette de styles, donnant comme chaque édition l’envie d’y revenir.

Si le champagne demeure l’une des appellations les plus strictes, les plus réglementées au monde, il n’a jamais été aussi libre dans son expression. Tous les acteurs présents — maisons, coopératives ou vignerons – semblent s’inscrire dans le courant afin de concilier excellence, authenticité et durabilité.
 

Sur le plan œnologique, les styles se recentrent de plus en plus sur l’équilibre et la pureté, au profit d’une vinification plus ciselée. Tel que constaté l’édition précédente le bois devient outil, non plus signature — tel est le cas pour Champagne Gounel-Lassalle ou Champagne Lombard. Pour Veuve Clicquot, le virage très net vers une expression d’esprit réducteur noble illustre cette quête de précision. La conversion malolactique est parfois mise en question. Quelques Coteaux Champenois émergent et proposent parfois un ADN propre, loin des codes bourguignons : le Breuil Rouge de Champagne Pierre Mignon ou bien le Blanc de Pinot Noir chez Mailly Grand Cru.

La diversité et créativité des vins de réserve se remarque à travers des optiques multi-vintage comme pour Champagne Lallier Les Réflexions, Champagne Jacquart Signature, Mailly Grand Cru Poétique de la Terre, ou bien Champagne Palmer&Co. Partant d’une tradition régionale, cette richesse devient probablement un nouveau modèle inspirant, faisant trait de liaison entre résilience économique, créativité contemporaine et durabilité. Apanage des vignerons, les diverses réserves (perpétuelles, solera, en cuve ou en bois) s’ouvrent de plus en plus aux marques et coopératives.

Les dégustations dans leur ensemble traduisent une recherche accrue de fraîcheur aromatique et de tension ; la réduction du dosage n’est pas un levier, on joue désormais sur la complexité des assemblages et la précision des élevages. Les autolyses trop marquées laissent place à des expressions plus transparentes et vibrantes, surtout quant à la base de vendange 2020 qui n’est pas sans évoquer 2015.
 

La viticulture durable s’impose désormais comme un socle du renouveau champenois. HVE, VDC côtoient Bio et biodynamie, agronomie de précision, mais aussi de nouveaux courants comme la viticulture régénérative (Champagne Henriot par exemple) ou même la permaculture. Ces démarches assurent une meilleure résilience face aux défis climatiques (en 2023 et surtout 2024). Même les emballages deviennent plus sobres et éco-conçus, se faisant plus minimalistes en toute technicité : habillages contre le goût de lumière pour Champagne Deutz Amour de Deutz ou bien Champagne Perrier-Jouët Belle Époque. Des étiquettes qui minimisent l’usage d’encre, de couleurs à tous les étages, technicité et durabilité jusqu’au bouchage parfois. Bientôt des « décoiffés » ? Car la coiffe n’est plus obligatoire en Champagne à partir de 2025.

De belles coopératives champenoises, à l’image de celles présentes à l’événement, sont désormais de véritables marques de qualité, toutes porteuses d’une vision moderne et collective, alliant moyens techniques et identité propre.

Quant aux vignerons, ils incarnent la diversité des terroirs — de la Montagne de Reims à la Côte des Bar —, offrant une mosaïque d’expressions entre craie, argile, sables et kimméridgien. Champagne Éric Taillet, un des maîtres du meunier, Mademoiselle Marg’O artisane de vins lumineux, tout en dentelle dans l’Aube, Champagne Paul Bara et son pinot de Bouzy à la puissance raffinée. Ces femmes et hommes de la terre champenoise tissent leur artisanat d’innovation, dans le respect de l’environnement.

Les têtes de cuvée actuelles offrent de grandes réussites du millésime 2014 (Comtes de Champagne, Amour de Deutz, Rare) qui côtoient quelques jeunes et graciles 2018 (La Grande Dame et les deux parcellaires Hommage à William Deutz), tandis que certains 2017 (Belle Époque Blanc de Blancs) surprennent par leur finesse en filigrane. Le 2014, discret et réducteur, se révèle harmonieux, mais toujours avec sa pointe électrique. Quant à 2015, millésime solaire et complexe, il oscille entre richesse et fraîcheur, portée par son petit marqué herbacé reconnaissable. Cependant il n’apparaît pas chez tous, comme Champagne Henriot, Mademoiselle Marg’O ou Champagne Lombard. Quelques rares 2013 séduisent encore par la précision et la longévité après un cycle tardif et exigeant, en stratifiant parfois cette tenue avec une pointe de patine noble. Pourtant L’Harmonie des Blancs Grand Cru 2013 de Champagne Pierre Mignon n’a pas pris une ride. Les vignerons misent aussi sur des millésimes récents, tandis que les cuvées non millésimées s’appuient sur des bases 2020-2022.

Enfin, l’innovation s’invite jusqu’à la dégustation : la verrerie Lehmann redéfinit l’art du service, tandis que le jambon ibérique Orza et les produits Signorini à base de truffes proposent dans un moment de partage, l’esprit d’excellence qui anime toute la filière.
En 2025, la Champagne n’est plus seulement une région : elle est un laboratoire d’avant-garde, où chaque bulle porte la promesse d’un avenir durable, exigeant et profondément humain. La Champagne contemporaine s’impose désormais dans l’innovation.

Julia Scavo 
Photos : Michel Jolyot

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