Le Salon du Saké a donné une autre perception de cet alcool. Loin des standards et de l’uniformité d’approche, les sakés atypiques ont été magnifiés. Sylvain Huet, co-organisateur de l’évènement, parachève ses sélections en insistant sur cet aspect.
Pour cette troisième édition du Saké Tasting (22 au 24 octobre 2016) une attention particulière a été accordée aux divers ateliers. Paris a pu découvrir à travers des accords judicieux et atypiques, des saveurs nouvelles. Avec 8 workshops, soit le double de l’année précédente, les possibles étaient diversifiés.
L’atelier Desserts et sakés a su capter l’attention et intriguer. Il a rassemblé trois chefs, pâtissiers, glaciers, chocolatiers français. Chacun a créé une friandise particulière en accord avec un saké. Xavier Thuizat, chef sommelier du Peninsula Paris, a contribué à parfaire les concordances entre les mets et les alcools.
• Dessert : glace amazake, riz au lait kôji & caramel au saké
par Emmanuel Ryon
• Un saké Nigori Kijoshu : « Kiyomori Heian »
d’Enoki Shuzo (préfecture d’Hiroshima)
Emmanuel Ryon, MOF glacier (Une Glace à Paris dans le 3e), a créé le premier dessert : une glace au kôji de riz, ce riz transformé par une culture de ferments (Aspergillus Oryzae). Ce même kôji entre dans l’élaboration du saké. L’accord était d’autant plus intéressant par le type de saké choisi, un Nigori. Cet alcool atypique se distingue des autres car il n’est pas filtré. Sa texture, plus épaisse, donne une autre consistance en bouche. Au nez puis en bouche, des notes de banane. Des nuances de prune sont également présentes. Entre le côté crémeux et lacté des deux produits, et le fruité, le floral amené par le saké, le résultat est réellement captivant. L’amidon confère une longueur en bouche très intéressante.
• Dessert : nougat au yuzu confit et cranberry
par Jonathan Blot
• Saké : « Collection Enter.Sake Shuhari »
de Matsumoto Shuzo (préfecture de Kyoto)
Les saveurs de cranberry, pistache, noisette et miel de châtaignier de ce nougat frais rivalisent avec l’acidulé du yuzu confit. Le saké s’affiche perlé, avec des notes délicates mais tertiaires. La consistance du nougat, souple mais dense s’allie parfaitement avec ce saké aux notes fermentées, un peu lactées et légères.
• Dessert : macaron au pop-corn par Jonathan Blot
• Un saké Junmai Daiginjo : « Heyan Kyo »
de Masuda Tokubee Shuzo (préfecture de Kyoto)
Jonathan Blot, chef pâtissier de L’Acide Macaron (Paris 17e) a imaginé un macaron rose bonbon dont les deux sphères entourent une ganache au beurre de cacao avec une pointe de saké. Ce dernier rééquilibre les notes sucrées. Des éclats de pop corn parachèvent la création. Le jeu de texture et de saveurs est mis en exergue par le saké Heian Kyo. La délicatesse de ce dernier, ses subtiles nuances de riz et ses notes crémeuses sont en parfaite adéquation avec le macaron.
• Dessert : barre chocolat au lait, pistaches caramélisées et framboises
par Sophie Vidal (Atelier Jacques Genin)
• Un saké Junmai Daiginjo méthode Kimito :
Collection Enter.Sake Aramasa » de Aramasa Shuzo (préfecture d’Akita)
Le chocolat créé par Sophie Vidal se distingue par ses notes de pistaches caramélisées et de framboise. Ce saké a été choisi au sein de la Collection Enter Saké qui regroupe les meilleurs sakés de chaque producteur. Ici, Aramasa Shuzo a usité une levure longtemps oubliée et lui a donné une légitimité particulière. Détail à considérer, il a élevé ce saké dans une barrique en bois. L’acide lactique et les bactéries ont permis le développement de levures autochtones. Le saké présente des notes fermentées en arrière-bouche, parfaites pour apporter un peu de fraîcheur à l’accord avec la barre chocolatée.
• Dessert : barre chocolat noir et matcha
par Sophie Vidal (Atelier Jacques Genin)
• Saké : « Kawasemi » de Koshinohana Shuzo (préfecture de Niigata)
Le chocolat noir en provenance de Madagascar contient 71 % de cacao. Le matcha confère à la barre des notes d’amertume. Le saké capte l’attention dès le nez avec des notes de miel délicat, de la fraîcheur. En bouche, il se magnifie avec des notes florales. L’alliance est intéressante sans être spectaculaire.
Avec une fréquentation toujours en hausse, et un intérêt significatif du public pour les ateliers dégustation, le Salon du Saké se révèle incontournable, et la sakéologie acquiert une visibilité de plus en plus évidente. Les repères diffèrent de l’univers du vin et des spiritueux. La notion de terroir, de cépage, de millésime s’effacent, d’autres apparaissent et s’imposent tels le degré de polissage du riz à saké (sakamai), la qualité de l’eau, la qualité de la fermentation du kôji. Chaque saké y puise une identité propre, et ouvre au sommelier un nouveau champ d’exploration d’accords audacieux.
Sofia Lafaye