Dossier Champagne Champagne
En Champagne
les quadragénaires bougent…
Juillet 2014, Joseph Henriot confie la direction générale de la Maison éponyme à son fils Thomas, qui a travaillé dans le groupe en Bourgogne, avant de s’installer à Pierry. Octobre 2014, Stéphane Dalgac, 51 ans, vient d’être nommé par le conseil de surveillance de Laurent-Perrier Président du Directoire. Du côté des chefs de cave en revanche, tous sont des payses, ayant une parfaite maîtrise du métier. A quarante ans, ils prennent leur destin en main, changent de Maison et assument de plus hautes responsabilités.
MAISON HENRIOT
Thomas Henriot, Directeur Général
Depuis plus de deux siècles, la Maison Henriot est familiale et indépendante. Une lignée d’hommes et de femmes de talent ont œuvré tout au long de son histoire à bâtir le style Henriot subtil, aérien, complexe, raffiné. Lors du bicentenaire de la Maison, Joseph Henriot propose à Thomas, son dernier fils, de rejoindre le groupe. En 2014, il lui confie la direction générale de la Maison Henriot.
A quarante ans, Thomas Henriot pose ses bagages en Champagne et s’installe à La Maison «Les Aulnois» au pied des Coteaux d’Epernay. C’est dans cette demeure historique, avec un jardin à la française, nouvellement acquise, qu’il nous reçoit. L’homme est à l’aise, distingué, très calme, et s’exprime, comme on berce une vie nouvelle, à voix basse et douce. Il nous confie «être né en Champagne, millésime 1974», se rappelle des balades de son enfance, dans les vignes avec son père, qui lui faisait goûter les raisins, découvrir les pressoirs, les caves dans lesquelles il se perdait. Côté études, il évoque une maîtrise de biologie à Jussieu, suivie d’une école de commerce et management à Lyon. «Je voulais travailler à la frontière du vivant et du marché, comprendre le schisme entre le monde américain qui accepte la manipulation du vivant et notre civilisation judéo-chrétienne qui la refuse».
Tel un humaniste, Thomas est épris de grands idéaux mais aussi de grands espaces. Vient le temps du service militaire, il part faire sa coopération à Buenos Aires, travaille ensuite à la Lyonnaise des Eaux pour sensibiliser la population à la rareté et la cherté de l’eau ! Il découvre de nouveaux horizons comme la Patagonie… La crise en Argentine le ramène en France où il intègre Saint-Gobain. Après avoir œuvré en multinationale, l’envie de connaître une PME, d’être en prise directe avec le client le taraude, il rentre chez Somater où une femme «Alix Hubin, directrice générale, le prend sous son aile, lui apprend tout, et surtout à retrousser ses manches...»
En 2008 son père Joseph Henriot lui propose de rejoindre le groupe, et de perpétuer la tradition des grands savoir-faire français. «J’y suis allé avec beaucoup d’enthousiasme!
Depuis j’ai occupé trois postes: j’ai remis à niveau la Villa Ponciago, un petit domaine en Bourgogne à Fleurie au nord du Beaujolais. Deux ans plus tard, j’ai modernisé l’outil de distribution de vins et Champagne du groupe, et j’ai préparé l’évolution digitale des ventes directes.
Aujourd’hui à la direction de la Maison Henriot, je m’inscris dans une stratégie de continuité, et m’appuie sur un savoir-faire clé en Champagne: l’élaboration de vins de qualité, avec des approvisionnements (135 ha) d’excellence. Je vais renforcer encore ma proximité avec la viticulture et son environnement, étant très sensible à la nature aménagée par l’homme.Je souhaite que la Maison Henriot devienne le porte-drapeau du groupe familial, tout en respectant la tradition, somme d’innovations réussies; et qu’elle soit reconnue comme un haut-lieu de l’art de vivre à la française».
Ce montagnard né verseau «trouve la vie trop courte pour être petite». En regagnant sa terre nourricière, il mettra, soyez-en sûrs, toute son énergie et même de l’acharnement à faire de grands vins!
M.C.B. www.champagne-henriot.com
Thomas Henriot
Jérome Dervin MAISON JOSEPH PERRIER
Jérôme Dervin, chef de cave
Une lignée, la famille Dervin à Châlons-en-Champagne! Depuis 1943, sans discontinuité, de père en fils, quatre générations successives ont occupé la fonction de Chef de caves de la Maison Joseph Perrier. Jérôme, 37 ans, est arrivé en juin!
Léon a ouvert la voie, lui a succédé Michel, puis Claude. Et depuis juin 2014, Jérôme a pris la place de son père parti à la retraite.
« Mon grand-père travaillait avec la méthode champenoise traditionnelle et reprenait ses assemblages empiriquement, en étudiant le livre des années précédentes. Mon père Claude a numérisé le “Process”. La base de données immédiatement lisible me sert de base de réflexion en temps réel.
La qualité du vin chez Joseph Perrier est une constante depuis plusieurs années. Avec mon tempérament perfectionniste, et mon goût pour l’ordre, à court terme je vais m’attacher à perpétuer le style de vins Maison et à obtenir plus d’harmonie dans la production du Champagne. Certaines cuvées comme le Rosé méritent des dégorgements plus petits et plus fréquents pour gagner en gourmandise, en arômes de fruits rouges.
Côté matériel, j’ai, dès mon arrivée, supprimé des cuves devenues obsolètes. Et j’ai coordonné l’installation d’une nouvelle chaîne de dégorgement qui sera la semaine prochaine installée dans un nouveau local, sec, clair et net, d’une grande propreté.
Côté vinification, je compte faire une meilleure liaison entre vignoble et cave. Les vignes enherbées et labourées par exemple s’expriment différemment en cave. Je dois prendre ces facteurs en compte pour élaborer des vins d’excellence.» Le développement de nouvelles cuvées est aussi au programme. En 2015, la Maison Joseph Perrier lancera un Blanc de Noirs très typé.
Jérôme, héritier d’une transmission de savoir de plusieurs générations, veut, au nom de la qualité, apporter sa pierre à l’édifice. Il prend sa nouvelle fonction à bras le corps pour devenir à son tour un créateur d’émotions!
S.V. www.josephperrier.com
MAISON LANSON
Hervé Dantan, chef de cave
au côté de Jean-Paul Gandon
Fils de vigneron Vitryat, Hervé Dantan fait ses classes au Campus d’Avize, ses études d’œnologie à l’université de Reims et diplôme en poche part travailler un an aux Etats-Unis. A son retour, il entre au Champagne Mailly, où il restera vingt-deux ans, avant d’être appelé en juillet 2013 par Philippe Baijot, Président de Lanson, pour seconder Jean-Paul Gandon, chef de caves, dans un premier temps, et le remplacer à son départ à la retraite.
«Mailly Grand Cru m’a tout appris du métier de chef de cave, nous explique-t-il, l’exigence qualitative à toutes les étapes de l’élaboration, l’assemblage, l’histoire, le style, l’envie de faire toujours mieux, l’esprit d’équipe, les soins particuliers à apporter au Pinot Noir…» Le passage du Champagne Mailly au Champagne Lanson s’est fait naturellement.
«L’univers était le même, seule l’échelle changeait, le volume était dix fois plus important. Le métier de chef de cave de la Maison Lanson s’articule un peu différemment. Outre la direction d’une équipe plus large, il faut gérer les relations avec le vignoble, élaborer des contrats de partenariat, animer des actions de communication avec la presse…
Jean-Paul Gandon m’a apporté les connaissances de la marque, de son histoire, de son style. J’ai beaucoup de respect pour lui qui a du vécu (40 ans au service de la Maison), une mémoire formidable. Sur chaque millésime, il a une anecdote. Il m’a fait vivre des moments rares et je m’inspire de ses connaissances.
Mon activité préférée dans ce poste, au vu de mes racines viticoles, ce sont les vendanges. J’aime l’activité, l’organisation, la naissance d’un millésime dans les caves. C’est passionnant de le voir poindre dans les vignes, une fois renseigné sur l’acidité, l’état sanitaire, le niveau de sucre». Jusqu’à présent, Hervé Dantan était en position d’observateur auprès de Jean-Paul Gandon. La vendange 2014 marque une inversion dans les postures de chacun. Jean-Paul Gandon laissant Hervé Dantan piloter les opérations tout en restant présent. Les vendanges du Clos Lanson ont ouvert le bal de cette nouvelle organisation. Elles donneront naissance à une nouvelle cuvée le «Clos Lanson», fleuron de la Maison, qui sera élevé en fût de chêne!
Le bois entre dans la Maison Lanson?
«Vingt-trois foudres (16 de 80 hl et 7 de 45 hl) siègent dorénavant dans nos murs. Ils accueilleront dès cette année des vins de réserve, des liqueurs d’expédition...». Le style Lanson n’est pas remis en cause, mais la Maison souhaite apporter à certaines cuvées une plus grande complexité sans note boisée évidemment. Hervé Dantan insiste sur la chance qu’il a d’arriver chez Lanson au moment où la Maison investit autant dans l’outil de production. Une nouvelle cuverie de petits volumes (55 cuves inox déclinées en trois
capacités: 50-75- 100 hl) a été installée pour accueillir la vendange 2014, elle permettra une vinification plus précise.
Autre nouveauté, le champagne Lanson rénove son circuit visite… Que de projets excitants sont à mener dans cette Maison! Hervé Dantan avoue «s’y investir pleinement».
M.C.B. www.lanson.com
Hervé Dantan
Sébastien Moncuit Champagne Mailly Grand Cru
Sébastien Moncuit, Chef de Cave
Après dix ans passés au Château Malakoff à gérer une grosse production, trois ans en laboratoire à conseiller vignerons et négociants, Sébastien Moncuit, fils et petit-fils de vigneron champenois, a rejoint l’an dernier le Champagne Mailly Grand Cru,
«un fantastique Domaine de Pinots Noirs ouvrant un champ énorme d’opportunités»!Mailly Grand Cru représente 73 hectares plantés pour 3/4 en Pinots Noirs, et 1/4 en Chardonnay. «Nos vignerons apportent au Champagne Mailly des raisins de belle qualité pour élaborer le Brut Réserve, clé de sol de la Maison», et une gamme complète de 9 cuvées construites autour du Pinot Noir prénommées Les Echansons, Intemporelles, Blanc de Noirs...
«Ce qui me passionne dans cette fonction, nous confie Sébastien, c’est l’incroyable démarche à mener au niveau du vignoble et du terroir pour poursuivre le travail de précision mis en place par mon prédécesseur. Certes la gamme est construite en complète cohérence, tous les raisins étant issus du même terroir. Mais pour rendre la vinification parcellaire plus pointue, il me faut acquérir une meilleure connaissance du terroir. Pour y réussir, depuis six mois, j’ai identifié et référencé 730 parcelles, réparties en 35 lieux-dits. Pour chacune je dois connaître l’historique, le mode de culture, les interventions, mais aussi leur exposition particulière. Comme en Bourgogne, je vais définir en quelque sorte des Climats, qui m’offriront une grande diversité de vins.
Ce travail de connaissance parcellaire va me permettre de mieux suivre la maturité des raisins et de fixer précisément la date des vendanges. Mais aussi d’élaborer des cuvées en connaissance de cause, et de mieux comprendre leur évolution».Je dois être informé du travail en amont pour adapter les vinifications en fonction de l’année. Un exemple, tous les vins du Champagne Mailly, y compris les millésimes, subissent la fermentation malo lactique. Si une année j’obtiens des raisins très matures et des vins de belle structure, je ne m’interdis pas de bloquer cette dernière fermentation sur 10 % de la cuvée pour donner un surplus de fraîcheur au millésime. Nous menons aussi des essais de vinification biologique à partir de parcelles cultivées selon cette pratique, et d’élaboration sans soufre. La maîtrise de ces techniques permet de répondre à l’attente des clients et de connaître leur impact sur l’expression de nos vins».Ce travail de maîtrise parcellaire a été fait à long terme pour obtenir une certification de viticulture durable avec nos vignerons; à court terme, pour procurer un surplus de plaisir à l’amateur et apporter une expression plus complexe aux connaisseurs.
Pour la fin de l’année, le Champagne Mailly Grand Cru propose la «Magnum Collection» soit quatre millésimes du siècle dernier, années 96 tonique, 97 délicate, 98 riche, et 1999 précise, saline et vivante à l’aération. Ils sont présentés individuellement dans un coffret artisanal en chêne massif, une belle idée cadeau à retenir pour entrer à Noël dans l’univers des grands Champagnes!
Marie-Caroline Bourrellis
www.champagne-mailly.com
