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18e édition du Master of Port

Finale passionnante et sacre de Gaëtan Bouvier

Les trois sommeliers les plus expérimentés, Gaëtan Bouvier, Micael Morais et Yann Satin, étaient réunis pour disputer la dernière série d’épreuves. Et c’est donc le Meilleur Sommelier de France 2016 qui l’a emportée.
 

Gaëtan et Natalia Bouvier

Un concours, quel que soit son environnement, ne peut s’achever que sur une note heureuse. Certes, il y a les sourires du gagnant, mais il faut compter aussi avec la déception et parfois les larmes des vaincus. Enfin il y a aussi de l’émotion.

Et c’est avec cette émotion, celle exprimée par ceux qui ont fait très souvent souffrir les candidats à force d’épreuves toujours plus complexes et imprévisibles, qu’il faut peut-être commencer à évoquer cette 18e édition du Master of Port. Car sans ces créateurs d’ateliers et de questionnaires il n’y aurait pas de concours... Fabrice Sommier et Antoine Woerlé ont donc choisi de tirer leur révérence en terre portugaise, le décor de l’ambassade du Portugal donnant un caractère plus officiel encore à ces adieux. Après plusieurs années de complicité, ils vont laisser la place à d’autres membres de l’UDSF qui ont déjà pris leurs marques à l’image de Bertrand Bijasson, le nouveau responsable du Master of Port.

De ce dernier rendez-vous à la barre, les deux piliers du comité technique garderont le souvenir d’une finale aussi passionnante que relevée en termes de qualité des concurrents. Une finale à trois, ce qui va devenir le standard de tous les concours organisés par l’UDSF, qui réunissait Gaëtan Bouvier, Micael Morais et Yann Satin. Tous connaissaient déjà la tension qui accompagne cette dernière étape avec la présence d’un public très nombreux cette année et des épreuves dont le niveau de difficulté doit permettre de faire la différence.
 

Certains ont pris leurs marques

Mais avant d’être trois, ils étaient neuf à espérer beaucoup de ces retrouvailles parisiennes d’octobre. Sélectionnés fin avril dernier, les habitués de ce concours qui célèbre les vins de la Porto et de la vallée du Douro (Carole Ferron, Régis Gabillard) comme les néophytes (Mattia Angius, Bastien Debono, Dimitri Nalin et Maxime Resse) ont exprimé leurs qualités et mesuré sans doute aussi les efforts à accomplir encore au cours de la demi-finale. Notamment les nouveaux-venus qui en ont profité pour prendre leurs marques et ainsi déjà se tourner vers l’édition 2021.

Des épreuves écrites très rythmées (diaporama, accord mets-vins, localisation géographique de célèbres quintas, correction de carte, questionnaire) ont précédé deux ateliers pratiques. Sans oublier la création de cocktail qui, si elle n’entre pas dans le décompte des points du Master of Port, a permis à Maxime Resse de remporter cet accessit avec sa boisson baptisée Douro Pink Cocktail.

Un trio s’est alors détaché, presque sans surprise. Gaëtan Bouvier et Yann Satin allaient disputer leur troisième finale et Micael Morais sa deuxième. Sur scène, la dégustation commentée d’un vin de Porto, une colheita 1985 de la maison Cruz donnait le ton, suivie par un exercice destiné à classer quatre vins par niveaux de sucrosité.
 

Les candidats et le jury

La technique rime avec spectacle

Face au public, ensuite, chaque candidat avait 18 minutes pour réaliser un ensemble d’opérations. La plus délicate, l’ouverture d’une bouteille de Porto 2003 de la maison Andresen à la pince, ne devait pas occulter qu’il fallait en parallèle répondre aux attentes des clients d’un restaurant. En particulier proposer les vins en accord avec les plats d’un repas rendant hommage à la gastronomie portugaise. Avec pour particularité que chaque finaliste pouvait composer une proposition de menu à sa guise à condition de respecter le nombre de plats souhaités. Et histoire de perturber un peu les finalistes, un citoyen britannique figurait parmi les candidats.

Une fois ouverte sous l’effet de la pince portée à très haute température puis de la glace destinée à provoquer un choc thermique en séparant la partie proche du goulot du reste de la bouteille, la bouteille devait être versée en carafe en faisant usage d’un filtre. Enfin le candidat ne devait pas oublier de recouvrir de cire les deux parties de verre saillant afin d’éviter tout risque de coupure ensuite.

Une dernière série de questions concluait ces épreuves avant le début d’une longue attente. Car ce n’est qu’une fois réunis à l’ambassade et après une première dégustation marquée par la présence de très nombreuses maisons de Porto, que le résultat du concours a été annoncé. Gaëtan Bouvier succède ainsi à Julia Scavo qui lui a officiellement remis son trophée.

Une longue journée qui s’achevait par une série d’intronisations au sein de la Confrérie de Porto, une première hors des frontières portugaises, qui voyait notamment Julia Scavo et Philippe Faure-Brac élevés au rang de Infançãos. Juste avant, Antoine Woerlé avait reçu le titre de Master of Port honoris causa.

Jean Bernard
 

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Interview de Gaëtan Bouvier

« Porto et gibier permettent de très beaux accords »

 

Trois ans après avoir obtenu le titre de Meilleur Sommelier de France et après deux échecs consécutifs en finale du Master of Port, Gaëtan Bouvier a retrouvé le chemin du succès. Encouragé par Natalia, son épouse, il pourrait bien désormais essayer d’être sélectionné pour un concours international...
 

Gaëtan Bouvier


Que représente le Master of Port pour vous ?
C’est d’abord un moment de rencontres et d’échanges avec d’autres candidats qui nourrissent la même passion et avec tous les acteurs du monde du Porto. C’est pour cela que j’aime y participer et que j’ai disputé ma troisième finale. Celle-ci est réussie et récompense ma persévérance tout au long de ces années avec des voyages réguliers dans la vallée du Douro et de très nombreuses dégustations.


Quelle place accordez-vous aux vins de Porto ?
La première fois que j’ai eu l’occasion d’en déguster, c’est à l’école hôtelière de Grenoble. Mais c’est après ma formation, lorsque j’ai évolué dans différents restaurants étoilés, que j’ai vraiment commencé à le travailler. Surtout au contact de Davy Tissot, le chef MOF qui représentera la France au prochain concours du Bocuse d’or. Aujourd’hui nous nous sommes retrouvés à l’Institut Paul Bocuse et ensemble nous avons à cœur d’utiliser les vins de Porto à table et de les mettre en contact avec les aliments qui composent des plats gastronomiques. D’ailleurs on a testé un accord avec le plat autour du lapin qui a permis à mon chef de se qualifier et le résultat était superbe.


Vers quel type de Porto va votre préférence ?
J’aime le style des colheita mais grâce au Master of Port, en les étudiant et en les dégustant, j’ai découvert l’univers des vintages et plus ça va, plus je m’oriente vers cette gamme. Je trouve que les grands vintages, lorsqu’on arrive dans la période du gibier, permettent de très beaux accords. Notamment un grand classique, le lièvre à la royale, un plat qui est sorti en finale du concours du Meilleur sommelier de France 2018, se marie très bien avec un vintage 2007 qui est encore très très jeune ou bien en allant beaucoup plus loin dans le temps. Chez Nieport, les vintage des années 1970 sont extraordinaires...


Que retiendrez-vous de votre finale victorieuse ?
Un atelier m’a séduit en demi-finale. C’est celui où il fallait identifier deux vins de Porto parmi six vins mutés du Portugal comme le moscatel de Sétubal ou bien encore un autre enrichi avec de la quinine. Des vins surprenants qui perturbent lorsqu’on les déguste à l’aveugle.

En finale, j’ai apprécié la dégustation, toujours à l’aveugle, d’un colheita 1985 de la Maison Cruz. C’était le premier atelier et c’est toujours le moment où on a une petite montée d’adrénaline quand on monte sur la scène. On sent alors si on va être dedans ou pas ! Pour ma part ce vin m’a procuré beaucoup d’émotion et des frissons et j’ai eu des difficultés à me canaliser, à rester concentré. Et puis il y avait aussi l’ouverture d’une bouteille à la pince, ce que je fais depuis dix ans dans les différents restaurants où je suis passé. C’est une belle mise en scène du vin de Porto.

Propos recueillis par Jean Bernard