Je m'identifie

Château Jean Faure

17/05/2018
« L’avenir n’est pas dans un concept architectural mais dans un concept de vie »

Qui ne connaît pas l’histoire du patron de Picard ? Il incarnait la réussite de ces capitaines d’industrie à qui tout sourit et qui décident de tout plaquer. Visionnaire, enthousiaste, passionné, Olivier Decelle s’est fixé à Jean Faure et a relevé le défi.
 

Marie-Laure Latorre, Paolo Basso et Olivier Decelle

« Savoir écouter son destin » se plaît à dire Olivier Decelle, l’œil rivé sur les caprices du ciel, accroupi entre deux rangs de vigne et s’extasiant sur le retour des huppes. Il rachète d’abord Mas Amiel dans le Roussillon, puis Jean Faure à Saint-Emilion, s’enchaîneront un vignoble en Bourgogne puis dans le Rhône pour pas moins de 700 000 bouteilles produites par an.

A Saint-Emilion, c’est une belle asphyxiée qu’il a choisit en 2004 au royaume des graves d’argiles et de sables ferrugineux. Très vite, il comprend que le vin ne peut se réduire à une simple formule magique. Né d’une idée de pureté et d’accomplissement, il doit raconter un sol et un climat, refléter la vie et cette notion de temps qu’il avait perdu. Les tours de passe-passe pour épater et appâter, il les refuse. « Mon objectif est ailleurs, équilibre et harmonie pour engendrer finesse et élégance. Et cela passe avant tout par la vie des sols, c’était la structure la plus solide à créer ici, pour que les racines puisent au plus profond, et soient moins dépendantes des aléas climatiques. C’est mon ami Jacques Boissenot qui m’a tout appris. » Rapidement, il passe tout en bio, laboure ses 18 hectares à cheval, réfléchit à la fertilité des sols, à la biodynamie, écoute sa terre, tout en restant extrêmement précis. Il ne cède en rien aux sirènes de la sur-extraction, surtout pas avec son Cabernet Franc (50 %) qu’il affectionne particulièrement, ne jouant pas plus au démiurge qu’au séducteur, forgeant ainsi cette éthique souveraine : « J’aime l’austérité dans les hommes et dans le vin. Je construis mes vins avec de l’acidité pour obtenir de l’élégance, de la tension et de la fraîcheur, » confie le passionné.

Très vite, le style Olivier Decelle va propulser les vins de l'ombre à la lumière des grands. En 2012, Jean Faure reprend son rang de grand cru classé qu’il avait perdu et obtiendra la certification Agriculture Biologique à partir du millésime 2017, une rareté parmi les grands crus. Après avoir réveillé sa belle aux ceps dormants, à 63 ans, il s’entoure pour la première fois d’une directrice technique pour prendre un peu de recul et commencer à penser à sa succession. Il choisit à l’instinct Marie Laure Latorre, dont le parcours atypique (assemblages pour la marque distributeur Système U) lui plaît. Et, lui qui vit sur place, décide d’ouvrir désormais son château aux curieux. Enfin, sa ferme-herboristerie-ménagerie… Car le château Jean Faure n’a rien d’ostentatoire. Des bâtiments sobres, autour, le vignoble et entre deux, des sentinelles de ferme. Un coq, des poules, des pigeons, des abeilles, des chevaux, bientôt des alpagas, des cabanes en bois, un potager en permaculture et une herboristerie. « Nous avons ouvert en juillet et déjà 1 300 visiteurs sont passés. 70 % de la visite se passe en extérieur, » précise Olivier Decelle, avant d’ajouter « l’avenir n’est pas dans un concept architectural mais dans un concept de vie ». Le gardien des lieux s’est enraciné.

Bénédicte Chapard

 

 

www.jeanfaure.com