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Wine Tour : Nelson Chow découvre la Nouvelle Bourgogne

01/16
Wine Tour

La Chine a été attirée depuis de nombreuses années par les vignobles bordelais. Passion des connaisseurs et des épicuriens, investissement dans des domaines, une évolution a eu lieu. Les transactions s’intensifient et, phénomène de marché ou effet de mode, la Bourgogne devrait être leur seconde zone de prédilection. Déjà connue et appréciée par les professionnels et les experts, considérée, elle devrait connaître un essor et un succès retentissants. La méconnaissance des produits, la difficulté à émettre un choix nécessitent l’intervention de prescripteurs auprès du public chinois. Pour cette raison, SommelierS International a organisé une rencontre entre plusieurs viticulteurs de Bourgogne et Nelson Chow, le président des Sommeliers de Hong Kong et de Chine. Seize domaines ont accepté de participer à l’aventure et de faire découvrir leur production. Une rencontre fructueuse, intéressante où deux cultures se découvrent avec des références gustatives diverses, des approches autres.

Nelson Chow au Clos des Lambrays

Domaine François Carillon

Le domaine François Carillon a été le premier visité. Présent à Puligny-Montrachet, une commune de la Côte de Beaune, il a acquis progressivement sa réputation. En Bourgogne, la référence à l’histoire est omniprésente. Le Domaine François Carillon conforte indubitablement cette sensation. Nul doute, la famille a impacté sur la viticulture bourguignonne depuis de nombreuses générations.

Dès le XVIème siècle, elle apparaît à Puligny-Montrachet. A partir de 1700, elle initie la viticulture sur ses parcelles et dès lors évolue progressivement vers le qualitatif au grè des innovations techniques. Dans cette optique, François Carillon se consacre à la viticulture dès 1988. Après avoir partagé un domaine avec son père et son frère, François Carillon a concentré son talent sur les 6,5 hectares dorénavant siens. Ces parcelles échelonnées entre le terroir de Puligny-Montrachet, de Chassagne-Montrachet et de Saint-Aubin pro­­duisent des vins singuliers.

François Carillon et Nelson Chow

Ces diverses appellations trouvent là de belles factures. François Carillon, par son attachement à parfaire son approche, parvient à dégager des lignes et des notes élégantes, raffinées et pures. Une quintessence de vins en quelque sorte. Il se distingue particulièrement par ses chardonnays exceptionnels.Ce cépage caractéristique de Puligny-Montrachet et de Chassagne a connu une réelle reconnaissance en 1937 avec la création des deux appellations d’origine contrôlée. Avec quatre Premiers Crus (Les Combettes, Les Perrières, Les Champs Grain, Les Folatières) et un Grand Cru (Chevalier-Montrachet), François Carillon dispose d’un panel intéressant de Puligny-Montrachet. Là, à travers de subtils choix lors de l’élevage, il affine les fragrances de chaque vin. Après des vendanges à la main, il vinifie chaque cuvée de la même manière. La fermentation alcoolique dure entre quatre à six semaines puis intervient la malolactique. Chaque vin évolue un an en fût puis six mois en cuve pour parfaire son élevage.

Sa cave affleure le niveau du sol et découvre quelques précieux vins. Nelson Chow en convient, ce style minéral et pur est caractéristique des grands Puligny-Montrachet. Neuf vins sont présentés à la dégustation. Il s’agit d’une dégustation horizontale, les cuvées étant presque toutes de 2014: un Chassagne-Montrachet, un Saint-Aubin 1er Cru Les Charmois. Le St Aubin 1er Cru séduit Nelson Chow. L’aspect très minéral, les notes de citron, le côté ouvert du vin, attirent son attention. Pour lui, sa ligne est parfaitement définie, une élégance pure transparait. Puis vinrent un Puligny 1er Cru Les Folatières, un Puligny 1er Cru Les Combettes. De manière flagrante, le 2010 a les préférences de Nelson. Il reconnaît là un très intéressant Puligny-Montrachet. Sa splendide acidité alliée à ses notes de citron l’ont convaincu.

Venir en ce lieu de Puligny-Montrachet permet de se sensibiliser à l’esprit de l’appellation et de faire connaître aux papilles d’intéressants plaisirs gustatifs.

— www.francois-carillon.com —
 

Domaine Chanzy

Chanzy, de tous les domaines visités lors de ce road trip 'oenologico-touristique', est l’expérimental par excellence. A l’orée des acquis et de l’avant-garde, le domaine initie d’autres possibles et envisage l’inédit. En ce sens, Chanzy incarne à la fois la Bourgogne d’une autre époque et celle de l’avenir.

Ancré au sein du village de Bouzeron situé en haut de la Côte Chalonnaise, le domaine a été créé en 1974 par la famille Chanzy. Le groupe publicitaire Sport SAS en a été propriétaire en 2008 et ce pour quelques années. L’entreprise périclite alors et doit cesser son activité.

Jean-Baptiste Jessiaume et Nelson Chow

En 2012, le groupe d’investissement OLMA, spécialisé dans le luxe, l’acquiert. A partir cet instant, la stratégie d’exploitation change et la notion d’avant-garde prime. Sous l’impulsion de Philippe der Megreditchian, président du Domaine Chanzy depuis 2012, l’équipe change. L’impact est radical. En 2013, Jean-Baptiste Jessiaume a intégré le groupe, devenant le directeur général. Un an après, il devient le directeur de la société et le chef de l’exploitation. Sa créativité dans le secteur viticole, son efficience en font le candidat idéal. En 2012, il a reçu le Trophée des jeunes Talents de la Côte de Beaune attribué chaque année par le Groupe des Jeunes Professionnels de la Vigne aux viticulteurs novices d’excellence.

Ses convictions innovantes équivalent à une respiration régénérante pour le domaine. En adéquation avec le consortium d’investisseurs, il a insufflé une remise en cause radicale de la perception du vin. Le précieux fluide se métamorphose littéralement. Sur son sol argilo-calcaire à tendance légèrement marneuse, il produit Chardonnay et Bourgogne aligoté. Dans les deux cas, il se refuse à envisager les cépages d’un point de vue conventionnel. Certes, il a l’à-propos et l’intelligence d’usiter sa connaissance du vin, du territoire mais a choisi résolument de le faire autrement. Son travail au sein de l’entreprise familiale Jessiaume à Santenay lui a sans nul doute donné des bases solides. Ses connaissances de la vigne et du vin sont transcendées par une libre interprétation, la sienne.

Le Bouzeron Clos de la Fortune dont le domaine Chanzy a le monopole, en est une parfaite expression. Elaboré à partir d’un cépage Bourgogne aligoté, il présente des notes de citron. Cette cuvée 2014, encore en cours d'élaboration en cette journée, retranscrit une belle minéralité et une intéressante acidité. Une tension est perceptible. Une lie fine est encore présente. Le vin a été soutiré il y a à peine une semaine. Ce vin révèle déjà un potentiel inusuel. Jean-Baptiste Jessiaume en explicite les raisons. Les vignes dont il est issu s’épanouissent sur le Coteau de Bouzeron, parallèle aux plus fameux de la Côte d’Or. Certes, ce vin n’est pas un 1er Cru ni un Grand Cru par l'appellation mais il en a l’étoffe. L’ensoleillement dont il bénéficie lui confère des typicités élégantes et raffinées. Il sera élevé pour 80% en cuve inox et pour 20% en fût. Il conservera en bouche la fraîcheur du cépage et une certaine rondeur, très délicate.

En ce début de matinée, Nelson Chow paraît enchanté de découvrir un Bourgogne aligoté de cette facture. L’appellation Bouzeron Village typique de cette localité trouve là une expression singulière. La dégustation continue avec un Mercurey Les Caraby de l’année. Ce Chardonnay surprend par ses notes délicates de citron vert, presque de miel. Au vu de son très jeune âge, le vin devrait se révéler exceptionnel. Elevé pendant 10 mois en fût, avec 20% de bois neuf, il poursuit son affinage en cuve inox pendant 5 mois.

Un autre Bouzeron est testé, le Bouzeron Les 3 est une référence aux trois climats dont il est issu: Les Clous, Les Cordières, La Tournelle. Jean-Baptiste Jessiaume précise sa démarche, il change les codes usuels et veut élaborer des Chardonnays avec des notes plus acidulées, des Aligotés plus ronds.

En cave, les rouges sommeillent et s’élaborent dans la quiétude pour le meilleur. Une vingtaine d’appellations différentes retranscrivent le Pinot Noir. Chacun présente un réel intérêt. Le Nuit-Saint-Georges 1er Cru Les Vaucrains révèle des tanins puissants. Le Chapelle Chambertin Grand Cru est une splendeur. L’un des 9 grands crus de l’appellation développe des notes de griotte et de superbes tanins.

Jean-Baptiste Jessiaume et ses partenaires ont envisagé l’innovation jusque dans les caves. Attentifs aux recherches révélant l’impact des fréquences sonores sur les molécules du vin, ils ont décidé d’élever leurs merveilles à la «Petite musique de Nuit» de Mozart. Depuis cinq ans, ils constatent l’efficience du procédé facilitant la fermentation et le développement d’arômes délicats. Les vins exhalent une touche particulière. Jean-Baptiste Jessiaume en transcrit la quintessence, «la musique des cellules vivantes entre en harmonie avec la musique classique».
A découvrir, résolument!

— domaine-chanzy.com —
 

Clos des Lambrays

La Côte de Nuits abrite des domaines prestigieux au passé glorieux. Le Clos des Lambrays à Morey St Denis n’échappe pas à cette règle. Mentionné dès 1365 dans l’inventaire de l’Abbaye de Cîteaux sous l’appellation de ‘Cloux de lambrey’, il est démembré entre 74 propriétaires pendant la Révolution. Dès 1868, une réunification devient envisageable. En une centaine d’année, la propriété change plusieurs fois de propriétaires, acquise par diverses familles. Quasi à l’abandon sous la gérance de Renée Cosson, au point de recevoir le surnom de ‘Belle au vin dormant’, elle renait en 1979 sous l’impulsion de Roland de Chambure et des frères Saier. Thierry Brouin, œnologue, gère la partie technique du domaine pour eux. Lors du rachat du Clos des Lambrays par LVMH et Bernard Arnault en mars 2014, il reste en place. Il perpétue un certain regard, une réelle perception qualitative. Arrivé peu avant le classement du Clos Des Lambrays en Grand Cru le 27 mai 1981, il incarne un peu la mémoire de ce domaine et paraît en être le garant. 35 ans de présence,.. Certes, il concède envisager de partir en 2017. A cette date, il quittera la fonction de régisseur et assurera deux ans encore ‘l’interface’ en formant son successeur.

Quoiqu’il en soit, lorsque Thierry Brouin se dirige vers la cave, il se métamorphose presque. Là est son terrain de prédilection. Cela se voit, se perçoit. Déambuler avec lui entre les travées de fûts équivaut à être initié à d’autres usages. La lumière pénétrant subtilement par les vantaux contribue à l’effet, et accentue le phénomène. Par un délicat jeu de clair obscur les fûts sont mis en lumière, presque révélés auregard du visiteur. La cave déconcerte par son coté inusuel. Les bondes des contenants elles-mêmes paraissent en témoigner par leur forme et leur matériau.

Elément important, 90 % de la production du domaine est classée en Grand Cru. Les cépages pinot noir et chardonnay constituent le vivier de la production.
En ce début de soirée, quatre vins ont été dégustés, un Morey St Denis Village 2014, et plusieurs Clos des Lambray (2014, 2013, 2012). Le 2014 surprend par sa fraicheur, sa finesse de tanins. Mr Brouin en explique la raison. Une fois les vendanges manuelles effectuées, les grappes ne sont pas éraflées. Le jus est extrait en cuve à l’aide d’un pressoir pneumatique afin de ne pas développer par trop les tanins. Le 2013 se révèle tendu, avec des notes d’épices.

Thierry Brouin et Nelson Chow

L’ensemble est élégant, subtil. Mr Chow note le travail effectué par Thierry Brouin. Il évoque l’intérêt de son approche donnant naissance à des vins de garde de très grande qualité mais pouvant également être bu relativement rapidement. En ce sens, ils correspondent parfaitement aux attentes conjointes des marchés hongkongais et chinois. D’ailleurs, le domaine est déjà représenté à Hong Kong par Altaya Wines Limited.

Ailleurs en Asie, leur réseau est constitué avec Wine Symphony Co à Taiwan, Enoteca et Vinorum Co. Au Japon, Best Cellar Co. en Thailande. Le Clos des Lambrays s’affirme telle une valeur sûre à l’export. Cette enclave atypique devient un lieu recherché dont les vins ne le sont pas moins.

— www.lambrays.com —
 

Domaine Ponsard Chevalier

Le domaine Ponsard-Chevalier s’épanouit en Côte de Beaune. Sur les abords du village de Santenay, l’entreprise familiale parfait ses vins. Créée en 1977, elle est à l’origine l’initiative de Michel Ponsard et de Danielle Chevalier. Dès le début, ils optent pour la culture raisonnée et le respect de l’environnement. Les 6,5 hectares vinifiés aujourd’hui produisent en majorité du Pinot Noir mais également du Chardonnay, de l’Aligoté. Le Pinot Noir s’exprime dans un Bourgogne, un Santenay Charmes Dessus, un Santenay 1er Cru Beaurepaire et plusieurs Maranges. Quatre Premiers Crus sont à inscrire dans vos tablettes : le Maranges 1er Cru ‘Clos Roussot’, Maranges 1er Cru ‘Clos des Rois’, Maranges 1er Cru ‘La Fussière’, Santenay 1er Cru ‘Beaurepaire’. Le Chardonnay se révèle à travers le Bourgogne et le Santenay ‘Les Daumelles’. L’Aligoté est moins présent dans la production.

Nelson Chow, Danielle Chevalier et Michel Ponsard.

Un atout indéniable pour ce domaine est l’âge moyen des vignes: 50 ans pour les rouges et 30 ans pour les blancs. Dans une optique de qualité, les vendanges sont réalisées à la main, les grains triés également manuellement. La vinification se poursuit avec un foulage ‘à l’ancienne’ au pied pour les rouges avec une mise en cuve inox pour une durée allant de quinze jours à trois semaines. La mise en fût de chêne intervient après ce délai. Le vin se perfectionnera là de 12 à 15 mois. Les Chardonnays évolueront en douceur avec un pressurage progressif. La fermentation s’effectue dans les fûts durant 8 à 12 mois.

En cette fin de matinée, Nelson Chow découvre le travail de Michel Ponsard. Ce dernier maîtrise parfaitement son sujet. Il émane de lui une sérénité, celle des gens sûrs de leur fait. La viticulture est dorénavant une évidence pour lui, il en connaît les turpitudes, il en domine les aléas. La visite de la cave se poursuit en compagnie de son épouse et de sa fille, Coralie, impliquée dans le devenir du domaine. Les cuvées de l’année non embouteillées sont testées une à une. La délicatesse des Pinots Noirs se perçoit déjà.

Les choses se précisent. Les cuvées antérieures sont dégustées dans un espace approprié. Là, les papilles sont en éveil. Le Santenay ‘Les Daumelles’ 2003 les réjouit sans nul doute. Sa robe or pâle annonce sa subtile délicatesse. Au nez, il exhale des arômes délicats évoquant le genièvre et les agrumes. En bouche, les fragrances se précisent. Une très belle acidité et des notes de fleurs blanches sont à noter. Une souplesse des tanins, le côté soyeux et la longueur en bouche sont des faire-valoir indéniables.

Le Maranges 1er Cru ‘Clos des Rois’ 2009 se révèle splen­dide. L’année est une référence pour les Côtes de Beaune et de Nuits. La robe s’affirme dans un rubis intense. Le nez libère des notes de fruits rouges, d’épices. En bouche, l’évidence est là. Le vin est d’une facture exceptionnelle. Nul doute, il pourrait créer de réelles addictions. Plaisir des esthètes, il encapsule des saveurs de cerise noire, d’épices. Un léger boisé transparaît. Les tanins sont délicats et la longueur en bouche intéressantes. A noter les sols de cette parcelle sont partiellement constitués de fossiles. Les coquilles de ces derniers sont visibles et ajoutent de la complexité. Dans ce substrat de calcaire et de marnes, le pinot noir retranscrit sa superbe complexité.

Discret, attentif, Michel Ponsard ne travaille pas dans la forfaiture. Il se présente presque en retrait, l’accent étant mis sur sa production. Pourtant, il faut l’avouer, au-delà des sols et climats splendides de Bourgogne, la connaissance et l’expérience de l’homme, du viticulteur sont incontournables. Elles confèrent au vin sa grandeur. Une très belle réussite!

— www.domaine-ponsard-chevalier.com —
 

Domaine Hudelot

Château de Villars Fontaine

Bernard Hudelot se révèle être un réel personnage. Après des études scientifiques, il a envisagé de manière radicale l’œnologie. Diplôme en poche, il donne aujourd’hui des cours à l’Université de Bourgogne. Viticulteur depuis 50 ans en Bourgogne, à Villars-les-Fontaines, il est en adéquation totale avec l’idée de viticulture. Depuis 1977, il insuffle à ce domaine de 33 hec­tares une réelle renaissance. Digne descendant spirituel des chanoines de Saint-Denis, les premiers à avoir envisagé la viticulture en ce lieu, et des Ducs de Bourgogne, il défend avec ferveur son territoire. La communauté religieuse a créé au XIème siècle ce vignoble appelé à cette époque ‘Villars-sous-Vergy’. Les Ducs en ont été propriétaires à partir du XIIème siècle.

Au cencre, Bernard Hudelot et Nelson Chow.

Le lieu situé en Hautes Côtes de Nuits surplombe à 400 mètres d’altitude la plaine des Côtes de Nuits. Il est idéal pour cultiver le Pinot Noir et commence à être parfait pour l’expression du Gamay. Le Domaine produit trois types de vins différents: le Bourgogne Aligoté, le Bourgogne-Hautes-Côtes-de-Nuits dans les trois couleurs (blanc, rosé, rouge), le futur Bourgogne Grand Ordinaire (Gamay). Bernard Hudelot veille attentivement sur ses vins.

L’intérêt se porte déjà sur les raisins. Pour ce faire, les vignes sont enherbées, les traitements sont raisonnés. Les vendanges sont faites manuellement. Un premier tri est effectué à la main, un deuxième se fait à l’aide d’une table vibrante. Ensuite, les grappes sont éraflées et les raisins foulés. La 'Bernard Hudelot touch’ intervient à partir de cet instant, celle de la vinification. La durée de vinification des rouges évolue de deux à trois semaines. Cela permet aux tanins de se développer de la meilleure façon possible. Le processus de cuvaison se déroule à basse température, cuves ouvertes. L’élevage des vins se révèle sans nul autre pareil. La tendance aujourd’hui en Bourgogne est de raccour­­cir la durée de garde des vins, l’accès à la consommation se veut ‘facilitée’. Bernard Hudelot adopte une attitude radicalement contraire.

Pour lui, l’élevage très long pérennise les qualités du vin, les magnifie. Les blancs se perfectionnent 18 à 24 mois en fût, les rouges se bonifient de 30 à 48 mois. Après la mise en bouteille, les cuvées sont conservées très très longtemps. Bernard Hudelot le précise, il aime parfaire les vins plusieurs années durant, parfois jusqu’au 35 ans, peut-être plus. Il sourit, la patience devient art. Nelson Chow écoute, apparemment séduit par cette autre conception. La diversité se révèle toujours richesse.

La dégustation débute. Le Bourgogne-Hautes-Côte-de-Nuits Les Genevrières 1985 présente en bouche une grande finesse. Des accents d’humus se dévoilent. L’instant paraît précieux. Le Pinot Noir flirte avec l’excellence. Usuellement, ce terroir lui permet d’évoquer l’humus, la truffe, les fruits rouges. Le Bourgogne-Hautes-Côtes-de-Nuit Les Jiromées 1997 se savoure avec délectation. En bouche, il développe des notes de beurre frais, de sel, de kumquat et d’agrumes confits. Le vin surprend, fascinant. Le Chardonnay devient quasi perfection.

Contrairement à Philippe Le Hardi, interdisant en 1395 le cépage Gamay en Bourgogne, Bernard Hudelot désire lui donner une nouvelle place. Pour lui, le Gamay du Futur se révèle être une parade au réchauffement du climat.

Le viticulteur ne s’arrête pas là. Afin de résister au manque d’esprit entrepreneurial de certaines banques, il a crée le concept Les Vignerons du Cœur. Là, 28 hectares du domai­ne ont été constitués en GFV (Groupement Foncier Viticole) et vendus à de petits propriétaires. Ceux-ci pérennisent l’expérience et la rendent viable. Le domaine devient ainsi autonome financièrement. Sa structure juridique et foncière en font un ‘domaine idéal’, création pure d’un imaginaire fécond. Il paraît inspiré de certains philosophes humanistes du 18ème siècle français. Le challenge est unique en Bour­gogne. L’autarcie réelle devient le postulat à atteindre.

A préciser, Bernard Hudelot, personnage à part entière, a d’autres engagements. Entre autre, il bénéficie d’un rôle de consultant auprès des Vignerons de l’Impossible. A ce titre, il conseille Dominique Auroy pour son domaine tahitien.

Bernard Hudelot a choisi, il refuse les phénomènes de mode. Résistant, il en devient avant-gardiste. Discuter avec lui tient de l’expérience. Il a la capacité de transfigurer l’instant. Celle d’envisager les projets les plus extravagants et... de les réaliser.

— www.chateaudevillarsfontaine.com —
 

Château de Meursault

Le domaine existe depuis le XIème siècle. De la fin XVIIème jusqu’à la Révolution, il est indirectement lié à la politique et à la justice de la région, son propriétaire Pierre de Blancheton étant avocat au parlement de Bourgogne. Au XIXème siècle, la famille Serre impacte sur son devenir en intervenant sur l’architecture du bâtiment et en agrandissant la superficie du domaine viticole. Passé sous la possession du Comte de Moucheron, le domaine représente alors un quart de la superficie actuelle. En 1973, le fondateur du Groupe Kritter et de la Maison Patriarche a racheté ce patrimoine. Il entreprend la restauration du château. Avec cette même optique de respect du patrimoine et de sa bonification, la famille Halley l’acquiert en 2012. L’objectif est clair: développer la viticulture avec une optique haut de gamme et parfaire son image en France et à l’étranger.

Nelson Chow et Stéphane Follin-Arbelet

Sur cette superficie de 60 hectares, Pinot noir et Chardonnay, Bourgogne Aligoté, évoluent vers le meilleur. Après les vendanges réalisées à la main, les grains sont triés délicatement sur une table permettant d’éradiquer les grains endommagés. Nelson Chow apprécie la dégustation organisée en présence d’Olivier Halley. Treize blancs dont une majorité de Meursault reflètent l’histoire et la typicité de la Maison.

Le Château de Meursault, Meursault-Charmes 2012 provient d’une parcelle, les Charmes, située au sud-ouest de Meursault. Après les vendanges, les grappes éraflées sont pressurées en douceur avec un pressoir pneumatique. Sans nul doute, cela facilite la délicatesse des tanins et préserve la subtilité des arômes. Le débourbage statique clarifie les moûts. Les vins sont par la suite placés en fût de chêne pour la fermentation alcoolique. Il est élevé là avec 35% de fûts neufs ou en fûts de un ou deux vins. L’assemblage a lieu juste avant la mise en bouteille, après un élevage de 15 à 18 mois. La robe est d’un or délicat. Au nez, des notes de fruits jaunes transparaissent. En bouche, la fraîcheur s’allie avec une certaine minéralité, les sols étant en ce lieu calcaire. Une note de gras est perceptible, directement en adéquation avec le calcaire marneux présent dans le substrat.

Treize rouges, dont un Grand Cru (Corton) et six Premiers Crus donnent un intéressant aperçu des subtilités des sols. Aloxe Corton, Savigny, Beaune 1er Cru, Pommard 1er Cru, Vougeot 1er Cru et Corton Grand Cru ouvrent une kyrielle de possibles. Le Château de Meursault, Pommard 1er Cru Clos des Epenots 2009 séduit.

Après la vendange, les grappes éraflées sont mises en cuve de 15 à 18 jours. La macération de quelques jours donne au jus sa couleur et ses arômes. Pour la parfaire, pigeage et remontage sont pratiqués. Le vin a été élevé durant 15 mois dans des fûts à 30% neufs, à 70% de fûts de un à deux vins. La robe est d’un rouge intense. Au nez, les accents de fruits noirs, d’épices prédominent. En bouche, les fruits sont confirmés, et un bel équilibre est perceptible. Le sol de cette parcelle, entre Beaune et Pommard, se révèle calcaire avec de nombreux alluvions. Le bel équilibre se perçoit là. L’instant est précieux, là dans ce château au coeur de Meursault, entourés de la Collection d’œuvres d’Art. La créativité liée au secteur viticole ou purement artistique peuvent pareillement produire des petites merveilles.

— www.chateau-meursault.com —
 

Pour une journée, le président des Sommeliers de Bourgogne, Michel Smolarek, a décidé de participer à cette escapade à travers les vignobles. Une journée avec la visite de deux domaines, ceux de Jean-Marc Boillot et de Philippe Leclerc. Par sa connaissance du terrain et du vin bourguignon, il a donné un éclairage particulier aux dégustations.

 

Domaine J.M. Boillot

Jean-Marc Boillot, installé dans le cœur de Pommard, jouit d’une place privilégiée. Là, rue de Beaune, le vignoble et la cave incitent à découvrir son travail. Il s’est initié à l’œnologie dès l’enfance grâce à deux grands-pères viticulteurs. Dès 1985, il a disposé de ses propres vignes d’une superficie de 11 hectares sur la Côte de Beaune.

Nelson Chow, Jean-Marc Boillot et Michel Smolarek.

Discret, minutieux, Jean-Marc Boillot met une attention particulière à élaborer ses vins. En discutant avec lui, la notion de maîtrise est per­cep­tible. Son réel intérêt et res­pect du vignoble transparaît également. Indéniablement, cela se transcrit par une culture raisonnée. Pas de pesticides depuis longtemps, des labours pour aérer le sol, la protection de la faune annexe, l’engagement se veut conséquent.

Jean Marc Boillot le précise, il préfère vinifier les blancs car il peut davantage intervenir sur leur évolution. Par exemple, le bâtonnage, pratiqué une fois par semaine, donne selon lui le grain. Les rouges restent trois semaines en cuve et une fois en fût, il devient plus délicat de jouer sur leur structure.

Le choix des barriques neuves varie également en fonction de la couleur du vin, de 20 à 25 % pour les blancs, de 30 à 35 % pour les rouges. Jean-Marc Boillot reste vigilant. Il sélectionne des barriques peu fumées ou boisées, ne désirant pas influer sur le vin. Seul l’intéresse l’essence du vin, sa pure expression.

La dégustation avec Nelson Chow a eu lieu un matin à l’heure où la propriété s’éveille sous un soleil timide. Neuf cuvées ont été testées avec une prédominance de Chardonnay, caractérisant l’essentiel de la production. L’entrée en matière a eu lieu avec les rouges afin d’initier une autre approche. Un Volnay 2012, un Volnay 1er Cru Carelle Sous Chapelle 2012, deux Pommards 1er Cru Jarollières respectivement de 2012 et 2011 ont distrait subtilement les papilles. Les tanins fins et délicats, les structures présentes mais élégantes ont séduit.

Plaisir de l’instant, sourires d’entendement tacites, découvrir les blancs, savourer chaque seconde tient de la délectation. Un Meursault 2013, un Puligny-Montrachet 2013 ont été une très belle entrée en matière. Puis, les Puligny-Montrachet Champ Canet et les Combettes 2013 ont été appréciés. Ces deux cuvées sont issues de vieilles vignes plantées par Etienne Sauzet, l’un des grands pères de Jean-Marc Boillot. Elles méritent une attention particulière pour leur superbe facture. Le Puligny Champ Canet 2013 présente des notes de citron vert prégnantes en première approche et enfin une rondeur et une délicatesse intéressantes. Le Puligny-Montrachet Combettes développe une certaine rondeur en entrée de bouche puis un peu de gras avec une très belle acidité donnée par des notes de citron vert. Un dernier vin a été apprécié, encore plus singulier, un Puligny-Montrachet Les Combettes 1994. Là, de très appréciables notes d’amandes, de kumquat, de brioches s’emparent du palais. L’ensemble s’avère surprenant, avec un côté rafraîchissant très appréciable.

En aval, après la dégustation, le lien indéfectible élaboré par le vigneron avec son vignoble devient évidence. Il serait impossible de parvenir à un tel niveau de qualité sans un acharnement résolu et une passion, non affichée mais subtilement perceptible, avec le terroir et les vignes. Une très belle réussite!

A noter, les vins la production de J.M. Boillot est importée à Hong Kong par Cari Wine et Watson.

— www.jeanmarc-boillot.com —

— www.watsonwine.com —

Domaine Philippe Leclerc

Philippe Leclerc est un singulier personnage. Initié par son père, il a en quelque sorte grandi en intégrant naturellement la notion de viticulture. Il la pratique de manière intuitive, perfectionnant son approche de manière empirique et efficiente. Ses quarante ans d’expérience sur le terrain lui permettent de prendre un recul par rapport aux expérimentations factices et aux phénomènes de mode. Là, au centre du village de Gevrey-Chambertin, en Côte de Nuits, il élabore dans ses caves des vins typiques de l’appellation. D’une structure charpentée, aux tanins appuyés, il favorise l’expression du Pinot Noir et de ce terroir spécifique. Carnassiers, longs en bouche, ses vins affirment leur identité. Possédant plusieurs parcelles, il met en exergue ces différences de terroirs, élaborant une gamme de Gevrey-Chambertin distincts gustativement. Une collection en quelque sorte...

Philippe Leclerc devant le musée de la vigne.

Philippe Leclerc tient à son vignoble, il est une partie de lui-même. Pour le préserver, il a résolument opté pour une culture raisonnée incluant des engrais organiques et un nombre limité de traitements. Le Pinot Noir jouit là d’une attention particulière. Propriétaire récoltant - il se définit ainsi - il tient à maîtriser les diverses étapes de l’élaboration du vin et sa commercialisation. Concernant cette dernière, il vend l’essentiel de sa production en France et en réserve 1/3 à l’export. Il ne dispose pas d’un interlocuteur privilégié à Hong Kong ou en Chine. Les importations là sont ponctuelles.

La dégustation a lieu dans sa boutique décorée dans un style singulier. Dix vins sont présentés. Le premier vin est un Chambolle-Musigny Les Babilles 2011. Pour cette cuvée, les barriques neuves représentent 50 %. Pour réduire l’impact du bois, Philippe Leclerc expose les fûts à l’air libre afin de réduire l’influence de la sève. Les notes de fruits noirs se perçoivent, la structure est affirmée, les tanins relativement souples. Philippe Leclerc le précise, les grappes ne sont pas éraflées lors de la vinification. Cependant, en pratiquant moins de pigeage et plus de remontage, aucune amertume n’apparaît et les tanins sont préservés. Ce vin presque léger au regard d’autres appellations de la Côte de Nuits se distingue par ses notes de fruits et sa délicatesse.

Plusieurs Gevrey-Chambertin (2012, 2011, 2010) tels le Gevrey Chambertin 1er Cru Les Champeaux 2012, le Gevrey Chambertin 1er Cru Les Champonnets 2012 s’affirment différents. Plus ou moins de tanins, des structures plus ou moins appuyées les caractérisent jusqu’au Gevrey Chambertin 1er Cru Les Cazetiers 2010. Ce dernier livre en bouche des notes de fruits noirs et se révèle par des tanins plus souples. D’une très belle facture, il est élégant et rare.

Nelson Chow considère ces vins comme encore jeunes au vu de leur potentiel. L’affinage parfait des tanins devrait nécessiter encore quelques années. Il reconnaît leur typicité et singularité. Michel Smolarek, président de l'association des sommeliers de Bourgogne, connaît Philippe Leclerc et ses vins. Il apprécie cette démarche de perfection et de remise en cause du viticulteur à l’égard de chaque cuvée.

Philippe Leclerc l’affirme: il se veut en deçà, très en deçà, des phénomènes de mode. Par contre, attentif à parfaire subtilement son produit, il recherche l’équilibre parfait entre des tanins appuyés caractéristiques significatifs des Gevrey Chambertin et la souplesse en bouche. Il envisage ce challenge comme une quasi quête du Graal.

Il a créé en ce lieu un univers réellement atypique. Investi par la notion d’Histoire, il a réaménagé ses caves. Dorénavant, un Musée y figure. Des objets liés à la viticulture y retranscrivent l’évolution des technologies viticoles. La Bourgogne y transparaît telle une entité à part entière. Philippe Leclerc offre une percée dans un monde onirique et presque chevaleresque, un ailleurs inégalé.

— www.philippe-leclerc.com —
 

Domaine Picamelot

Depuis 1926, le Domaine Louis Picamelot élabore des Crémants. Louis Picamelot, le fondateur, a été très tôt sensibilisé aux crémants et à la méthode champenoise. Dès 1822, des viticulteurs champenois sont venus en Bourgogne pour enseigner leur méthode de fermentation. Louis Picamelot en a eu connaissance. Le challenge, réaliser un vin pétillant basé sur la double fermentation, l’a séduit. Dès 1926, il crée l’entreprise et débute des productions de moins de 4000 bouteilles par an. Initialement, il vinifie pour d’autres, à savoir pour une cinquantaine de vignerons. Au début des années 2000, son petit-fils Philippe Chautard reprend la direction du domaine. Il recentre ses activités, achète des vignobles et vinifie ses propres vignes.

Chloé Friedmann et Philippe Chautard

Aujourd’hui, il se charge de parfaire la production et d’en assurer son rayonnement en France et à l’étranger. Président de la Fédération des Crémants de Bourgogne, il défend un produit de qualité, disposant d’une réelle légitimité. Il perçoit l’enjeu du continent asiatique en particulier de Hong Kong et de la Chine. A ce jour, il n’exporte pas encore sa production vers ces contrées. Il envisage de le faire en sensibilisant cette clientèle potentielle à l’art du Crémant dans sa meilleure expression.

La présence de Nelson Chow permet d’évoquer ces transactions commerciales. Là, à Rully, Philippe Chautard cite les divers terroirs du domaine: le Hameau de Gamay, Puligny-Montrachet, Saint-Aubin 1er Cru Les Murgers des Dents de Chien, Saint-Aubin 1er Cru en Remilly. Il mentionne les cépages usités, le Pinot Noir, le Chardonnay, l’Aligoté. Quelques instants plus tard, il explique les diverses phases de l’élaboration des mousseux, technologie à l’appui.

La cuvaison commence par un pressurage délicat à l’aide de pressoirs pneumatiques. Les fragrances peuvent s’exprimer, les tanins restent fins et élégants. La première fermentation se réalise en cuve ou en fût. Dans ce dernier cas, il le précise, il ne souhaite pas impacter en donnant des notes par trop boisées mais affiner les tanins. La deuxième fermentation s’effectue en bouteilles. Sur les lies, dans les caves à température de 12°, le processus peut se dérouler tranquillement. Les Crémants restent là de 12 mois à 48 mois, le maximum étant réservé à la Cuvée Jean Baptiste Chautard. La Maison a choisi de se distinguer par une durée affirmée, confortant la qualité des Crémants et la finesse de leurs arômes. Les bouteilles sont régulièrement remuées afin de faciliter ultérieurement l’évacuation des lies.

Une échappée dans le vignoble de Saint-Aubin 1er Cru en Remilly a permis à Nelson Chow de percevoir au mieux l’attention prodiguée à la vigne. Lors d’un dîner au Restaurant l’Amaryllis à Saint-Rémi, il a dégusté plusieurs cuvées de la gamme. Le chef Rémi Burtin a élaboré un menu sur mesure afin de mettre en exergue les subtilités de chaque Crémant. Ils sont au nombre de sept. Chacun d’entre eux est la transcription d’un terroir, d’une histoire.

La Cuvée Jean Baptiste Chautard mérite une attention toute particulière. Dédiée à l’un des membres de la famille, elle se révèle d’une délicatesse subtile. La robe est d’un or raffiné. En bouche, elle développe de superbes notes de fruits, d’agrumes, d’amandes amères délicates, de fleurs blanches et une pureté de ligne très intéressante. Ce Blanc de Blancs brut répond à l’exigence de son maître de chais. Les bulles affleurent à la surface, fines. Elles viennent distraire agréablement le palais. Une certaine tension est perceptible. Cette alliance de Chardonnay (68 %) et d’Aligoté (32 %) séduit.
Terroir de Chazot, Crémant de Bourgogne Blanc de Noirs Brut, s’impose par ses fragrances et la pureté de son style. Ce 100 % Pinot Noir retranscrit les subtilités du terroir de Chazot, sur les hauteurs de Saint-Aubin.
A déguster, pour le plaisir des sens et entrapercevoir les terroirs bourguignons.

— www.louispicamelot.com —
 

Domaine Moissenet-Bonnard

Le domaine Moissenet-Bonnard situé au centre de Pommard témoigne de huit générations de viticulteurs. Depuis 1987, Jean-Louis Moissenet-Bonnard veille au développement du domaine familial. Initialement, il produisait les raisins mais les revendait à une autre maison. En 1995, il change d’optique et décide résolument de vinifier lui-même. Dès lors, sa perception devient autre. Depuis quelques années, il a été rejoint par sa fille aînée Emmanuelle-Sophie.

Emmanuelle-Sophie Moissenet-Bonnard et Nelson Chow

Ensemble, installés au centre de Pommard dans la demeure familiale, ils défendent une éthique irréprochable et d’avant-garde. Une attention particulière a toujours été apportée aux sols labourés et à la culture raisonnée. Emmanuelle-Sophie le spécifie, le label bio n’est pas une tentation. Elle tient à la notion de respect des sols, à l’usage de produits naturels mais ne veut pas des contraintes trop restrictives liées à la certification. Son combat est ailleurs. D’une façon plus innovante, elle a réussi à obtenir la certification Haute Valeur Environnementale crée en 2014. Celle-ci exige de considérer et préserver les murets présents sur les parcelles, les arbres, les insectes non nuisibles à la viticulture, de laisser pousser l’herbe au sein des vignobles... A l’heure où les climats de Bourgogne viennent d’être classés ‘paysage culturels’ au Patrimoine mondial de l’Unesco, l’enjeu n’est pas anodin.

Le domaine de 6 hectares dispose de Chardonnay (30 %) et de Pinot Noir (70 %). Avec ce dernier, une production de Crémant a été initiée. Quelques 25000 bouteilles sont issues d’un seul terrain. En bouche, il développe une très belle acidité. Lors de la dégustation, dans la cave superbement aménagée, sa fraîcheur et la densité des bulles surprennent agréablement. La matinée débute de manière plaisante. Installé dans cette cave parfaitement organisée, Nelson Chow peut se concentrer sur la production viticole. Quatorze vins lui sont présentés.

La dégustation débute avec les blancs. Le Beaune 1er Cru Montée Rouge 2013 est le premier millésime de cette appellation produit par le domaine. Sa robe a des notes d’or et de vert délicat. En bouche, des fragrances d’amandes, de fougères et de fleurs blanches transparaissent. L’Auxey-Duresses Les Fosses 2013 avec sa robe or clair livre des notes d’amande, de pomme. Un Meursault Les Vireuils 2013 avec sa robe or vert, ses notes d’agrumes laisse présager d’une très belle évolution. Ces trois vins sont élégants et présentent déjà une très belle acidité, minérale, avec des accents de citron vert. A noter pour le Meursault un peu plus de gras.

Les rouges réservent de très belles surprises. Le Beaune Village Montée Rouge 2013 intéresse Nelson Chow. Il en demande le tarif et convient qu’il correspond aux tendances du marché chinois. Des moyens de gamme pouvant développer d’excellents possibles et dont les tarifs ne sont pas surdimensionnés sont recherchés.

L’Auxey-Duresses 2012 se révèle très intéressant avec des notes puissantes de fruits noirs. Emmanuelle-Sophie le confirme, elle recherche perpétuellement cette expression du fruit, de la fraîcheur. Pour ce faire, elle élève tous les vins 12 mois, et seulement 12 mois, dans les barriques. Elle ne tient pas à accentuer la note de bois.

Pour la même raison elle utilise 30% de fûts neufs, facilitant l’oxydoréduction et le développement d’arômes fins et élégants. En cela, elle correspond parfaitement à la nouvelle perception bourguignonne, refusant catégoriquement la surenchère ‘boisée’ et l’omniprésence des tanins. L’élégance, la souplesse de ceux-ci sont préconisées. Nelson Chow recommande entre 4 à 6 ans de garde pour donner leur meilleure expres­sion aux arômes.
Par la suite, plusieurs Pommards sont ‘testés’: le Pommard 1er Les Charmots 2011, le Pommard 1er Cru Les Pezerolles 2012, et le superbe Pommard Les Epenots 2013. Ce dernier provient de vignes anciennes de 90 ans et livre une très belle interprétation de l’appellation. La cuvée 2012 se singularise un peu plus. La structure est présente, avec subtilité. Les tanins sont souples. Des notes de fruits noirs se révèlent en bouche. Une délicate fraîcheur se dégage de l’ensemble.
Preuve en est, le Bourgogne est un terrain d’expression pour les viticulteurs émérites. La famille Moissenet Bonnard sait indéniablement se distinguer par son approche. Son talent est reconnu en France mais également à l’étranger avec 66 % d’exportations ventilée essentiellement entre les USA et le Japon. La Chine est un territoire à conquérir pour eux.

— www.moissenet-bonnard.com —
 

Château de Pommard

Le Château de Pommard est l’un des plus an­ciens domaines de la susdite ville, en Côte de Nuits. Créé en 1726 par Vivant Micault, il devait incarner un écrin pour les vins produits. Ce secrétaire de Louis XV voit dans ses vignes un puissant potentiel. En 1763, Claude Marey, à la tête du domaine, voyage en Europe et profite de l’occasion pour faire connaître ses vins à ses hôtes prestigieux. Un réel engouement se dé­veloppe pour les vins de Pommard en Allemagne, Flandres, Italie, Pays du Nord. Les commandes se suivent. La Maison Château de Pommard devient une halte in­con­tour­nable pour la haute société, la Reine de Sardaigne elle-même s'y rend.

Nelson Chow et Anne Bavard-Brooks, conseillère en vin.

De 1939 à 2003, la famille Laplanche, originaire de Nuits-Saint-Georges, histori­quement vignerons et négociants, en prend possession. En 2003 et jusqu’en 2014, la famille Giraud veillera au destin de la propriété. Maurice Giraud décide d’en faire une référence en France et à l’étranger. Il dote le domaine d’une collection d’oeuvres d'art contemporain. Dès 2009, il programme des expositions (Dali, Keith Harng, etc).
En matière de viticulture, il doit reprendre en main les vignes. Pour ce faire, il change l’équipe, envisage d’autres méthodes de viticulture et de vinification. Il désire rendre ses vins incontournables, référencés parmi les grands vins de Bourgogne. Désormais, le domaine figure parmi les étapes obligées du tourisme et de l’oenotourisme en Bourgogne. Il accueille alors 35000 visiteurs par an. En 2014, l’entrepreneur de la Silicon Valley, Michael Baum, a investi dans cette pépite de 20 hectares. Conscient des potentiels du lieu, il envisage plusieurs projets liés à la viticulture. Une nouvelle cuverie, un restaurant avec vue sur les vignes sont projetées.
En cette fin de matinée, Nelson Chow prend note des divers aspects du domaine. En compagnie du maître de chais, Emmanuel Sala, il visite la cave. Là, les différentes cuvées nécessaires à l’élaboration du Château Pommard se perfec­tionnent. Cinq terroirs dif­­férents le constituent. «Grand Champ» assure la structure du vin. Très calcaire, le sol donne naissance à un vin puissant. «Les Paules» en incarnent la chair. Le terroir, avec sa grandeur teneur en argile produit des vins aux tanins souples, soyeux avec une très belle ampleur. «Nadine» a la même fonction. Issu d’une terre pareillement riche en argile, le vin apporte la finesse, l’élégance. En bouche, des notes de fruits des bois, de la rondeur transparaissent. «Simone» a le terroir le plus complexe. Elle transcende la cuvée et l’amène vers l’excellence.