Jean-Marc Quarin publie ses critiques dans les “Carnets de Dégustations”.
Pour certains journalistes, il est actuellement le critique des vins de Bordeaux le plus en vue d’Europe.
Le millésime est très réputé. Pourtant, cette bouteille ne s’est pas montrée à la hauteur.La couleur très évoluée n’a qu’une intensité moyenne. Le nez plutôt boisé évoque le rancio des vins de La Rioja. A l’agitation, le vin paraît très animal et sans noblesse. La bouche débute bien, douce, fondante, avec un goût de cuir et de cèdre assorti de notes de vieux bois et de fruits rouges macérés à l’alcool. Le corps reste moyen et j’espérais plus de gras et de chair. Au lieu de quoi la présence de l’acidité volatile en finale empêche les sensations veloutées. C’était ma première dégustation de ce millésime bénéficiant de bonnes cotations. Je ne saurais vous dire si les impressions peu enthousiastes perçues dans cette dégustation concernent plus le vin ou la bouteille.
Note : 15 - 15,5
André Dignimont : Dessinateur aquarelliste de grand talent.
Seule la couleur est agréable dans ce vin qui sent l’alcool et l’acidité volatile. Il devient très animal à l’agitation. L’acidité marque la bouche. Quelques arômes persistent en finale. L’ensemble est trop simple. Cette année-là, le cycle végétatif avait été très perturbé. Seuls les vins à base de merlot, en particulier à Pomerol, suscitent mon intérêt.
Note : 13
Georges Arnulf : 1er Grand prix de Rome de Gravure en 1950
On considère ce millésime comme un des plus mauvais de l’après-guerre, tant la vigne a eu du mal à mûrir ses fruits. Et pourtant, il faut convenir que la dégustation de cette bouteille est meilleure que 57-63-65-68-72-73 et 74. La couleur est sombre et le nez marqué par l’acidité volatile. Or, en bouche, le vin manifeste de la suavité à l’attaque puis de la consistance et du goût. En finale, la chaleur de l’acidité volatile ressort et le vin termine rustique comme les vieux vins d’autrefois. Cette bouteille n’est ni géniale ni catastrophique, comme cela était annoncé. Aurait dû être bu depuis longtemps. A laisser au collectionneur.
Note : 15
Marcel Vertès : Lithographe observateur des Années Folles.
La couleur est vraiment sombre pour l’âge. Le nez évoque le vieux bois sans aucun fruit. En bouche, le vin manque d’équilibre et vient très vite sécher la finale en n’offrant plus que le bois. J’ai pensé que cela pouvait venir de la tenue de la bouteille. Je sais aussi que ce millésime est plus favorable au merlot qu’au cabernet sauvignon : il a trop plu en fin du cycle de maturation. Vin à réserver aux collectionneurs uniquement.
Note : 13
Léonor Fini : Peintre surréaliste d’origine italienne.
Malheureusement, le niveau de la bouteille situé au bas de l’épaule nous a empêché de jouir des plus beaux atouts de ce millésime. Je l’avais déjà goûté en magnum et noté 18 - 18,5. Il n’empêche ! La couleur sombre et ambrée en même temps séduit l’oeil. Le nez reste suave malgré un début d’oxydation. La bouche puissante, juteuse, encore pleine de fruits et d’épices, laisse deviner ce que peut être ce vin quand la bouteille est parfaite. Vous noterez la qualité du tanin, parfaitement enrobé et sans rudesse. Toutefois, l’expression finale reste dans ce cas handicapée par le niveau du vin dans la bouteille.
Note : 16,5
Année du Centenaire : Commémoration dédiée à l’arrière grand-père du Baron Philippe de Rothschild.
Un mauvais été pluvieux a empêché le raisin de mûrir dans de bonnes conditions. La couleur est sombre et ambrée. Le nez sent le caramel et le cèdre. Il est agréable mais sans fruit. Comme pour le 55, l’entrée en bouche est presque sucrée. Le vin offre encore une bonne consistance, mais l’acidité et un assèchement viennent marquer la finale, ce qui est typique d’une acidité volatile plutôt élevée. Un vin d’autrefois pour collectionneurs uniquement.
Note : 14
Jean Carzou : Peintre révélé par les décors de Théâtre et de Ballet.
Le millésime 55 à Bordeaux marque la frontière entre les vins d’autrefois et les vins plus modernes, élaborés à partir de raisins plus mûrs. Je n’ai jamais été déçu par un 1955, tandis que 59 et 61 me laissent parfois sur ma faim. La couleur est restée jeune, sombre, intense avec des notes vermillon sur la frange. Le nez intense exhale le cassis, le cèdre, l’épice, un ensemble tout en finesse. Dès l’attaque, la suavité des sensations marquent le palais. Le corps rond, juteux, plein de fraîcheur, a le goût du fruit mûr et de la muscade. L’ensemble fond avec grâce et tout comme dans le 62 et le 61, le tanin apparaît fin, pas granuleux. Il rappelle tout simplement les vieilles vignes. Belle longueur. Je l’avais mieux goûté quelques mois plus tôt (18,5), pourtant la bouteille venait de la même caisse et du même endroit. Ce millésime est une bonne affaire tout comme le 83. Il devrait être splendide en magnum. A boire ou à garder jusqu’en 2010.
Note : 17
Georges Braque : Un des principaux initiateurs du Cubisme avec Picasso.
Niveau au milieu de l’épaule.
Un nez vieilli et madérisé confirme que le niveau du vin en bouteille l’a altéré. Néanmoins, en bouche, le vin reste vivant mais léger et acide en finale malgré de jolis arômes. Millésime très difficile, très diminué par le gel de février qui a tué beaucoup de vieilles vignes. L’été fut mauvais pour la maturité. Voilà qui peut expliquer l’acidité de ce vin.
Note : 12
Pavel Tchelitchew : Néo-romantique aux liens étroits avec le groupe surréaliste.
Quelle surprise dans un millésime réputé léger !
D’abord la couleur très belle conserve sa profondeur. Très brillante, elle est légèrement sombre, vermillon. Le nez paraît plus difficile à décrire. Discret, une note curieuse et confite fait penser aux vins liquoreux. L’aération amène des touches de tabac et feuilles mortes.
En bouche, le corps raffiné caresse le palais avec rondeur et encore beaucoup de saveurs. La trame n’est pas très serrée conformément au type du millésime. Le vin est quand même très bon avec des notes fumées en finale et du tanin mais sans raideur ni rusticité. Etonnant ! A boire.
Note : 16 - 16,5
Salvador Dali : Maître du surréalisme
Très grand millésime réputé pour la réussite des merlots, tandis que 61, son concurrent, consacre celle du cabernet sauvignon. Nous espérions beaucoup. Pourtant cette bouteille n’a pas franchement dépassé le 58. Tout commence bien avec une couleur splendide, peu évoluée, très belle, sombre et pleine de jeunesse. Rien en elle n’accuse l’âge du vin. Le nez se distingue du 61 grâce à l’éclat de son fruit. 61 apparaît plus épicé. La muscade demeure, accompagnée de sensations toujours fraîches et très jeunes. Beau ! L’agitation traduit un peu de réduction et des notes animales que la décantation devrait chasser. La bouche douce à l’attaque devient rapidement ronde, presque volumineuse et riche en saveurs. Très vite pourtant arrive un tanin ferme et austère, beaucoup moins charnu que le 61 et finalement un peu rustique et à l’ancienne. Finale moins profonde que le 61. Le millésime a-t-il connu le bois neuf ou un long élevage ? On peut le boire et le garder.
Note : 16 - 16,5
Richard Lippold : Sculpteur américain, inventeur de la sculpture linéaire.
L’année réputée moyenne s’avère particulièrement réussie sur cette bouteille. La couleur est tuilée. Le nez plein de fraîcheur fruitée, suave, évoque le cèdre puis le caramel. En bouche, ce vin est un véritable sucre d’orge tant il possède la douceur des bonnes choses. Plein de vie et de fraîcheur, un zeste nerveux (acidité), il ne présente aucun tanin granuleux. La fluidité du millésime est parfaitement maîtrisée par la vinification ou le terroir. J’aurais été heureux de connaître le pourcentage de bois neuf présent à l’élevage.
A boire dans tous les contenants.
Note : 16 - 16,5
Jacques Villon : Chercheur et artiste, coloriste raffiné
Malgré un niveau de bouteille en haut de l’épaule, la grandeur du millésime demeure. Très belle couleur sombre et plutôt vermillon sur la frange. Le nez fin, fruité, évoque la noix de muscade. Le fruité tantôt frais, tantôt plus confit, alterne avec l’épice. L’entrée en bouche est fraîche, précise. Le vin s’avance droit en bouche, juteux, savoureux, dense et gras. Sa force vient de sa présence en finale où il se montre conquérant, complexe, aromatique, encore tanique mais enrobé.
Peut se boire ou se garder.
Note : 18
Georges Mathieu : Initiateur de l’abstraction lyrique. Calligraphe occidental.
Voici un des nez les plus intéressants et complexes de cette décennie 60 et 70 (avec le 61) : pain d’épices, encre, cassis, cèdre, fumée.
La couleur aussi surprend par l’éclat de son rouge à peine bruni. Elle apparaît très unie du centre du verre jusqu’au bord, ce qui est un signe d’évolution très lente du vin.Quelle jolie entrée en bouche ! Raffiné, fruité, souple, fondant, le vin offre beaucoup de charme, caressant sans cesse le palais. La trame tanique garde de la douceur d’un bout à l’autre de la bouche. Les vinificateurs devraient consulter les archives pour savoir pourquoi ce vin possède de telles qualités, celles-là mêmes qui manquent trop souvent à d’autres millésimes.
Longue persistance savoureuse et épicée. Heureux celui qui le possède en magnum ou un plus grand contenant encore. Une bouteille à boire.
Note : 16 - 16,5
Matta : Architecte collaborateur de Le Corbusier. Rejoint le groupe surréaliste en 1935.
Année terrible. Vin passé.
Pas notable.
Bernard Dufour : Peintre figuratif
Il ressort honorablement de cette dégustation. Pourtant, l'année fut difficile à cause de la pluie pendant les vendanges. La couleur reste bien présente. Le nez offre un mélange de fruits à la fois bien mûrs, à la fois vifs, tels la groseille. La bouche est totalement prête à boire, sans aspérité tanique, longiforme, épicée, avec une touche de vivacité.
Vin agréable. Le boire d'urgence, si ce n'est déjà fait.
Note : 15,5 - 16
Henry Moore : Sculpteur anglais à s’inspirant de l’art pré-colombien
Année terrible tout comme 63 et 68. Le vin est aujourd'hui très maigre.
Il fallait le boire jeune.
Pour collectionneur uniquement.
Pas notable.
Dorothea Tanning : Artiste américaine surréaliste.
Cette bouteille ne distance pas le 67. Pourtant, elle le devrait. 1966 demeure un grand millésime dans le Médoc. Mais le nez manque ici de maturité, affichant même des odeurs de poivron vert. Le vin est rond, concentré, juteux et frais en bouche. L'absence de maturité rattrape le vin en finale, en présentant un tanin rustique.
Il se gardera encore.
Sans extase.
Note : 15
Pierre Alechinsky : Peintre- dessinateur et poète d’origine belge
Ce millésime profite plus à la rive droite, Saint-Emilion et Pomerol, qu'à la rive gauche. Toutefois, le vin est encore bon, avec du goût, malgré une couleur marron orangée. Il sent le pain d'épices. La bouche apparaît légère et fondue, avec une finale légèrement tanique mais un peu acide.
Note : 15
César : Sculpteur connu pour ses fameuses “compressions”
Année difficile marquée par la pourriture grise. La couleur est orangée et le vin creux.
Aurait dû être bu.
Pas notable.
Bona : Artiste abstraite d’origine italienne. Spécialiste du collage.
Couleur marron. Nez discret, plus proche du tabac que du fruit. Les sensations d'attaque et milieu de bouche restent plus attractives que la finale. Le corps est bon et l'ensemble offre encore de la saveur. La persistance reste modeste avec un tanin manquant de chair.
A boire vite.
Note : 14,5 - 15
Joan Miro : Peintre surréaliste.
L'année fut abondante et les vins, souvent durs, suscitaient de l'inquiétude. S'ouvriraient-ils ? Le Mouton a échappé à cette règle, en tout cas celui que j'ai goûté (à cet âge, il peut exister de grandes différences d'une bouteille à l'autre). Derrière une couleur toujours belle et constante depuis le début de la verticale, le nez se montre mûr et suave : cassis, confiture de fraise, vanille, puis tabac à l'agitation. En bouche, le vin est bien équilibré, doux et fondu à l'attaque, élancé avec un corps moyen, sans la rudesse du millésime. Très agréable et toujours savoureux, il termine sur une longueur normale et manque un peu de complexité.
Note : 16
Marc Chagall : Dessinateur, graveur, peintre et sculpteur.
Année réputée pour ses petits rendements et son succès à Pomerol. Ce Mouton offre une couleur vermillon, un nez encore fruité avec une touche de cèdre. La bouche, fondue et douce, encore savoureuse et vivante, termine sur un tanin un peu granuleux.
C'est bon mais dans un style ancien.
A boire très vite.
Note : 14,5 - 15
Vassili Kandinsky : Peintre russe abstrait.
Vins maigres finissant secs, qui auraient dû être bus depuis longtemps.
Pas notables.
Serge Poliakoff : Peintre russe
Vins maigres finissant secs, qui auraient dû être bus depuis longtemps.
Pas notables.
Pablo Picasso : Une ambiance humaine, caractérise l’oeuvre de ce peintre espagnol.
Vins maigres finissant secs, qui auraient dû être bus depuis longtemps.
Pas notables.
Robert Motherwell : Peintre américain, expressionniste abstrait.
La robe est restée belle, légèrement brunie. Le nez ressort au milieu d'une série des années 70 plutôt triste. Il évoque le fruit mûr, la cannelle et une touche plus métallique : ce fameux goût de capsule dont fut longtemps affublé ce cru et, par extension, les Pauillac. En bouche, le vin structuré, puissant et juteux, avance lentement sur un excellent goût de cèdre et de fruits. En même temps, vient peu à peu une structure tanique plutôt revêche en finale, qui me rappelle invariablement le style des Bordeaux d'autrefois : vendange avant la bonne maturité, rendements trop importants. Le temps le patinera mais ne le changera pas profondément. Ce type de structure tanique très contrastée demeure sujet à de grandes variations au vieillissement en bouteille. Il se peut que des bouteilles se montrent mieux équilibrées que d'autres.
En l'état, le collectionneur gagne plus que le buveur.
Note : 14,5
Andy Warhol : Peintre américain, chef de file du Pop Art.
Ce millésime aussi ne présente plus d'intérêt en bouche. Peut-être en magnum ? Pourtant, je l'ai aimé jeune, quand ressortait son fruit. La couleur brunie marque son évolution. Le nez sent d'abord le cassis et des notes plus végétales, puis le pruneau et la fumée à l'agitation. En bouche, le contraste entre la tendreté d'une attaque au goût de fruits très mûrs et un tanin au grain asséchant indique qu'il n'y a plus grand-chose à espérer de lui. Le gras manque. La sécheresse puis la pluie en fin de vendange avaient stressé les hommes et les raisins. On sait mieux aujourd'hui qu'une climatologie plus régulière induit de meilleurs résultats.
Note : 14,5
Pierre Soulages : Peintre français caractérisé par ses monochromies.
La couleur très évoluée et marron indique que ce vin a atteint sa limite. L'année fut difficile, trop froide pour bien mûrir les raisins. L'odeur est végétale et la finale termine sèche. Il aurait fallu le consommer jeune, dans la fraîcheur de son fruit.
En l'état, il intéresse plus les collectionneurs que les buveurs.
Note : 13
La couleur est belle avec des nuances vermillon. Un nez si discret étonne. En bouche, je retrouve les caractéristiques aromatiques d'une année climatique à la maturité difficile à venir. Il fallait vendanger très tard, mi-octobre, pour réussir l'année. Ici, la minceur du corps ainsi que la note aromatique végétale me semblent signer une vendange trop précoce et un manque de sélection. Décevant pour le millésime.
Note : 14,5 - 15
Jean-Paul Riopelle : Peintre canadien fondateur du groupe “Automatisme”.
La couleur est belle. Le nez offre un mélange de fruits et de thé. Cet aspect végétal s'amplifie à l'agitation. Le vin rentre en bouche avec fluidité, avant de se montrer plus massif au milieu. Il termine trop tanique et trop rustique. L'année était abondante et pluvieuse. Ceci explique cela.
Néanmoins, il existe des 79 plus plaisants et mieux faits.
Note : 15
Hisao Domoto : Peintre japonais à l’inspiration esthétique “informelle”.
Tout commence par une couleur plus soutenue et plus évoluée aux reflets vermillon. Le nez reste discret mais fin. Il s'agit d'un vrai bouquet de vieillissement aux notes de cèdre et cigare, très agréables sans être complexes. Comment faire dans une si petite année ? La bouche me plaît pour son caractère fondu et ses notes aromatiques, où se mêlent le fruit et les notes plus végétales. Curieusement, ce vin est plus en arômes qu'en structure. Il persiste sur un goût de cèdre et de cassis, sur un grain tanique un peu austère. De la noblesse se dégage. Une performance pour un petit millésime. A boire vite.
Note : 15,5 - 16
Hans Hartung : Pionnier de l’abstraction lyrique.
Ce millésime moyen donne quelques surprises agréables et des vins en finesse manquant de corps et de puissance. Ici, la couleur reste belle avec du rouge sang et des notes tuilées. Le nez commence par des notes végétales de thé, de feuille morte. Le fruit (cassis) ne ressort qu'à l'agitation. En bouche, le corps longiforme offre un plaisir suave à l'attaque, mais le milieu de bouche ne répond pas. L'ensemble finit avec à la fois de l'élégance et un tanin dont la fermeté n'est plus une qualité pour son âge. Je regrette de ne pas lui trouver une fin de bouche aussi suave que l'entrée. Je ne crois pas que le temps l'améliorera. Il manque une étincelle.
Note : 15,5 - 16
Arman : Peintre sculpteur fondateur du groupe des “nouveaux réalistes”.
Voici le plus grand millésime de cette verticale. Les amateurs se plairont à opposer ce style mûr, enrobé, très confortable en bouche à celui plus dynamique et plus tanique du 86. Deux climatologies différentes pour deux superbes millésimes. Couleur Rouge sombre. Intense. Légère évolution. Identique au 86. Nez Net. Intensité moyenne. Fin. Fruité. Toujours exotique. Notes de cèdre et fruit. Complexe. Bouche Attaque suave et souple, presque sucrée, se développant sur un corps rond, pulpeux et riche mais sans excès. La saveur est celle du cassis et plaît pour sa fraîcheur dans un millésime pourtant chaleureux. Très lente évolution tanique complexe, juteuse où la chair conduit le vin du début à la fin. Finale puissante et fondante où le grain tanique est plus sophistiqué que 86, ce qui prouve qu'un tanin subtil est possible à Mouton tout en gardant la fermeté du cru. Très grand vin plein d'avenir encore. Un must.
Note : 19
John Huston : Réalisateur, acteur, amateur d’art, écrivain et peintre de talent !
Note : 17 - 17,5
Saul Steinberg : Peintre et caricaturiste d’origine roumaine
Petite année à Bordeaux. Le merlot a coulé et, en général, les vins sont un peu osseux et manquent de chair. Ici, la couleur est bonne. Le nez évoque les feuilles mortes, une note végétale donc, puis une note animale. Il convient de le décanter pour chasser une odeur forte de réduction. En bouche, le corps est moyen, mais le tanin savoureux et encore fruité, mais la chair manque.
Un 84 honorable dans le contexte de l'année.
Aurait déjà dû être bu.
Note : 15,5
Agam : Peintre israëlien, initiateur de l’art sinétique.
Goûté trois fois au cours de cette dernière année, une bois bouchonné, une fois déjà trop âgé, une fois correctement. Voici un vin qui passe à un autre stade d'évolution et doit être bu si vous possédez des bouteilles. Il peut se garder dans de grands contenants. Globalement, sa couleur est déjà très évoluée et le vin apparaît plus vieux que son âge. Sensations identiques au nez, où dominent des odeurs oxydatives, d'épices, de curry. En bouche, l'âge lui donne une agréable patine tanique et de la suavité. Le corps est plutôt longiforme avec une finale un peu vive (acide) qui pourrait être plus mûre.
Note : 16
Paul Delvaux : Peintre belge appartenant au “réalisme magique”.
Avec ce millésime, Mouton signe un des plus grands vins de son histoire récente. L'année est grandissime pour l'expression du cabernet sauvignon en Médoc, tout comme le fut 96. Aux notes fraîches de cassis, de chêne, de fleurs des plus grands vins, Mouton ajoute des touches épicées et exotiques pouvant rappeler un climat plus méditerranéen. La robe est rouge très sombre et intense, encore très jeune. Le nez s'améliore à l'aération dans le verre, signe que ce vin doit être décanté. Il sent bon le fruit mûr mais frais, sans aucune note lourde de confiture. Riche, il évoque surtout le cèdre et le cassis. L'entrée en bouche est pulpeuse et se développe sur un corps charnu et velouté, qui évolue sur un toucher de bouche fin et une bonne consistance. Le vin fond en bouche, tel le grand cabernet sauvignon. Finale juteuse et complexe mais encore un peu boisée. Bâti pour durer, je pense que la suavité ira croissante avec la patine du temps. Je note que son grain tanique final pourrait sans doute être plus sophistiqué encore.
Note : 18,5
Bernard Séjourné : Peintre haïssien.
La couleur reste belle. Le nez possède la note "feuille morte" et cigare du cabernet sauvignon imparfaitement mûr. Voilà qui rappelle un style plus ancien de vins de Bordeaux. En bouche, ce vin se porte totalement sur l'attaque où il joue de suite la suavité. Le corps est bon pour un millésime considéré comme très moyen, surtout au milieu de la bouche. La bonne surprise vient de la permanence de la trame qui ne s'écrase pas dans la seconde partie de la bouche, comme en 92. Le vin termine sur un fondu agréable et savoureux avec un tanin encore perceptible.
Le boire dès maintenant.
Note : 15,5 - 16
Hans Erni : Portraitiste suisse réaliste.
Il n'est pas raisonnable de goûter le 88 derrière le 89, tant deux styles différents opposent ces deux vins : l'un repose sur une climatologie chaude, 89, tandis qu'en 88 une touche un peu végétale traduit une maturité moindre. Le boisé toasté décrit dans sa jeunesse s'est fondu (un bon point). Pourtant l'agitation ne le rend ni fin, ni complexe. Cette absence de sophistication se retrouve dans la tanicité finale, un peu acide et rustique. Voilà qui est dommage, car le milieu de bouche offrait de la richesse.
La garde lui profitera.
Note : 16
Keith Haring : Peintre et sculpteur américain
Il dépasse largement le 90 et cela fait plaisir. La couleur n'apparaît pas très différente. Au contraire, le nez offre des sensations nobles : tabac, cèdre, fruits mûrs et frais, boisé fin (enfin !), sans présence toastée trop forte. A l'agitation du verre, on peut humer une fine odeur de civette que l'on trouve dans le parfum des havanes. En bouche, voici un vin plein, juteux, gras, suave et savoureux. Il délivre lentement son tanin toujours bien accompagné par une matière charnue et aromatique (prune, encens, cèdre) et pleine de vie. Une puissance contenue évoquant le meilleur style "Pauillac".
Un grand vin de garde.
Note : 17,5 - 18
Georg Baselitz : Artiste contemporain allemand
Ce 90 est en retrait vis-à-vis de tous les autres premiers crus du Médoc, en particulier Latour et Margaux. La couleur apparaît rouge sang, d'une intensité moyenne avec des signes d'évolution. Le nez n'a pas de notes toastées, mais fruitées puis crémeuses comme souvent les vins de Pauillac. La bouche offre un toucher caressant et des tanins équilibrés. Toutefois, la chair et l'opulence caractéristiques de ce millésime mûr et chaud lui manquent, sans que je puisse dire pourquoi.
C'est bon mais pas grand et en-deçà de la réputation de l'année.
Note : 16 - 16,5
Francis Bacon : Peintre anglais célèbre
Le gel de printemps avait détruit les premières pousses. Beaucoup de crus ont produit du vin avec des raisins de seconde génération, ce qui explique l'odeur végétale souvent rencontrée sur ce millésime. C'est le cas aussi sur ce 91 qui manque de bons fruits frais. La bouche paraît plus intéressante que le nez, tendre, fondue, savoureuse.
Le vin est prêt à être consommé.
En finale, un grain tanique un peu sec signe une année difficile.
Note : 15 – 15,5
Setsuko : Japonaise épouse de Balthus, spécialiste des natures mortes.
Petite année à Bordeaux. La pluie et la pourriture grise ont empêché une bonne maturité du raisin. De fait, la couleur est déjà évoluée et le nez un peu végétal derrière la note trop toastée. Je conseille de décanter cette bouteille pour l'aérer et chasser quelques notes trop animales. Malgré le petit millésime, la bouche offre de la matière, en particulier au milieu du palais, et le vin apparaît flatteur et prêt à boire. Il perd son intérêt en finale (comme tous les 92) et se montre toasté tout comme au nez.
A boire.
Note : 15 – 15,5
Per Kirkeby : Peintre coloriste danois
La couleur est belle, rouge sombre, brillante, assez intense pour un millésime plutôt dilué, avec une teinte qui commence à brunir. Le nez est reconnaissable parmi tous à cause de ce boisé-toasté trop simplificateur. Et pourtant, quand on l'agite, des notes fumées plus proches du cabernet sauvignon que du bois restent très flatteuses. La bouche est bien faite avec, en particulier, aucune gêne due au bois. Caressant, tendre, le vin n'a pas la puissance d'un grand millésime. Néanmoins, il est savoureux et élancé au palais, avec une touche de vivacité.
On peut le boire maintenant ou avant 2005.
Note : 16 – 16,5
Balthus : Compte Balthazar Klossowski de Rola, connu sous le nom de Balthus.
Ce 94 a le mérite de ne pas être rude en finale comme de nombreux vins du Médoc cette année. Il est bien fait, moins velouté que le 95, avec un goût boisé et une longueur moyenne manquant de complexité à cause du millésime. Derrière sa belle couleur, le nez reste discret avec une note toastée-fumée trop monolithique, plus forte que le fruit.
On doit attendre 2005-2008.
Note : 16
Karel Appel : Peintre hollandais, fondateur du groupe Cobra, mouvement expressionniste baroque.
Goûté deux fois cette année, le vin est très bon mais ne suscite pas de ravissement particulier (j’espère toujours d’un premier cru qu’il va me procurer une émotion introuvable ailleurs). La couleur est belle, le nez plutôt fruité et boisé. Par deux fois, j’ai trouvé l’entrée en bouche séduisante pour la rondeur de sa matière, par deux fois, la finale restait sans éclat. J’ai regretté que ce vin ne donne pas en finale autant de satisfaction qu’à l’attaque. C’est bon mais frustrant pour un millésime si bien coté.
A revoir. En l’état je le note 16.
Note : 16
Antoni Tapies : Peintre Sculpteur fondateur de la revue d’Art “Dau al Set”
Je compare souvent le 96 en Médoc au 86. Or, je ne comprends pas pourquoi ce 96 n’est pas aussi conquérant que son aîné. Est-ce le pourcentage élevé de cabernet franc (10 %) ? La couleur est belle, le nez fumé et toasté. L’agitation amplifie l’odeur et offre un mélange complexe de sous-bois, truffe, viande et cassis. La bouche se caractérise par un aspect dynamique et élancé qui pourrait être un peu plus large, moelleux et confortable. La finale s’achève sur des tanins bien équilibrés et aromatiques. Il lui manque l’abondance charnue du 86 pour rentrer dans la légende ! Attendre 2010.
Note : 17 – 17,5
Gu Gan : Peintre et calligraphe chinois, considéré comme théoricien majeur de son art
Les quatre cépages composent ce millésime : 82 % cabernet sauvignon, 3 % cabernet franc, 13 % merlot et 2 % petit verdot. Belle couleur brillante manifestant une légère évolution. Nez discret de fruits mûrs. Touche crémeuse. L’agitation révèle du cassis et une note de chêne. La bouche surprend par la douceur de son attaque. Ni large, ni épais, le vin apparaît savoureux avec une légère vivacité. Cette petite acidité invite à le consommer plutôt l’été quand il fait chaud. Longueur normale.
Attendre 2005-2010.
Note : 16 – 16,5
Niki de St Phalle : Femme à l’oeuvre provocante, dont les “tableaux surprises” , elle adhère au groupe des Nouveaux Réalistes
Ce vin est une réussite au sein d’un millésime pourtant généralement plus favorable à l’expression du merlot que du cabernet sauvignon (86 %). Cette proportion ne gêne pas. D’abord bien coloré, il présente un nez frais mieux équilibré avec le bois que 99. Il lui faut du temps pour s’ouvrir au contact de l’air. Rond dès l’entrée en bouche, il devient plus serré à partir du milieu, tout en gardant une trame et un toucher de bouche caressant. La finale s’avère longue et savoureuse. Le grain du tanin manque pour l’instant de sophistication en affichant un peu de rigidité (c’est le style du cabernet médocain cette année-là). Je pense que l’âge le bonifiera. Vin de garde. Attendre 2010.
Note : 17 – 17,5
Roufino Tamayo : Peintre mexicain a l’héritage précolombien
Couleur rouge bordeaux, intensité moyenne à bonne. Vis-à-vis de 2000 et 98, ce nez me paraît plus simple à cause d’une note toastée trop présente. En bouche, la corpulence reste moyenne. Très savoureux au milieu, le vin se développe sur un toucher caressant. Mais, à l’instar de nombreux autres millésimes plus anciens, la tanicité devient plus ferme en finale avec un goût boisé prédominant. Je trouve que cet usage du bois pourrait être plus nuancé. Attendre 2010-2015.
Note : 16,5
Savignac : Affichiste au talent figuratif et poétique