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Le réveil de Lescours

19/06/2018

Anticonformiste, terrien inspiré, Pierre Chariol, cinquième génération du château de Lescours à Saint-Sulpice-de-Faleyrens, fait entendre sa différence. Il défend un vin à son image, sans méandres, évident, et du haut de sa tour de garde, scrute le futur classement de Saint-Émilion…
 

Pierre Chariol

C’est à 16 ans qu’il choisit, lui, le premier garçon d’une famille de 7 enfants, la voie de ses ascendants. L’école, ce n’est pas son truc. Il préfère les chemins de traverse, le temps des cerises et des merles moqueurs. Son truc, c’est paysan, vigneron, chasseur, pêcheur, observateur d’étoiles, de raisin, de champignons et de fourmilières. Il faut dire qu’à l’époque, dans les années 70, à Château de Lescours, on vivait cocagne sans forcer, « on prenait le Concorde pour aller aux Etats-Unis, les importateurs venaient nous chercher en limousine et on leur vendait 95 % de notre production, c’est à dire 250 000 bouteilles… Et puis un jour tout c’est arrêté, en 81, le dollar a chuté, notre importateur a fait faillite, le nouveau nous a planté, » se rappelle Pierre Chariol. Lorsque son père décède en 1989, Pierre a 30 ans, des huissiers qui toquent à sa porte tous les jours et un château fatigué, noyé dans de luxuriants ronciers. Il lui faudra presque l’équivalent pour éponger les dettes de cet « héritage gangréné »… et une sacrée dose de vaillance.

Mais aujourd’hui, tout cela appartient au passé. Château de Lescours, c’est 8 hectares de vignes, 45 000 flacons par an sur 2 cuvées, Château de Lescours et L de Lescours (2 à 3 000 bouteilles par an) , un château du 14ème siècle avec une chambre d’hôte, deux paons, des poules et 80 hectares de bosquets, d’étangs, de clairières et de labyrinthes « une petite réserve naturelle » qui lui tient de paradis. Quand au vin qu’il continue de faire, c’est toujours le même, celui qui a toujours consciencieusement fuit la mode. Ici, pas d’excès de bois, ni de surmaturité. Il cherche à faire un vin juste. « Rubis dans sa fougue, pelure d’oignon dans sa jeunesse, et tuilé dans sa maturité ». Il aime « le fruit, la charpente, la souplesse et la richesse plurielle des vins », mais ce qu’il aime avant tout, c’est faire un vin à son image, celle d’un révolutionnaire qui habite un château, droit dans ses bottes, face aux propriétaires voisins parfois désincarnés de châteaux de cartes. Pas de ceux qui vous toisent, mais de ceux qui avancent, main tendue, ouvert et accueillant. C’est dans cette catégorie qu’il classe son vin : un vin de rencontre, de banquet, joyeux, avec ce surplus d’élégance, que l’âge attendrit.

Mais c’est aussi un vin qui raconte l’authenticité de sa terre. Celle là même qui l’a vu naître et grandir. Celle où il passe le plus clair de son temps. Pour lever les bois, épamprer, observer. « Ici on chausse et on déchausse deux fois par an et on griffe le sol, je ne veux pas un brin d’herbe dans mes vignes, surtout pas avant le 25 mai où il peut encore geler… Quand la saint Urbain est passée, le vigneron est rassuré disent les anciens. J’applique la règle et ça marche. La preuve, en 2017, seul 3 % de mes vignes ont gelé alors que certains ont tout perdu. » La production est aujourd’hui écoulée au Japon, aux Etats-Unis et en France (60 %), aux particuliers. Une stratégie qu’il continue de développer via l’œnotourisme et de futurs aménagements d’une salle de réception au dessus du chai. Mais un autre projet lui tient à cœur. Avant de passer la main à ses enfants, Pierre-Jean et Lucie, il compte bien présenter Château de Lescours au prochain classement décennal des vins de Saint-Émilion en 2022 pour accéder au rang de Grand Cru Classé. De prochains investissements au chai sont prévus. Alors, gare aux classements poussiéreux et aux préjugés antédiluviens, l’histoire de Château de Lescours continue de s’écrire.

Bénédicte Chapard

 

www.chateaudelescours.com