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Champagne tour (suite)

19/03/2018
Gérard Basset et Paolo Basso, Meilleurs Sommeliers du Monde en Champagne


Champagne Fleury : Quand le bio donne le tempo

Pionnière en Champagne de la culture en biodynamie, la famille Fleury, calquée sur les rythmes de la nature et des équinoxes, déploie crescendo de nouvelles cuvées à l’acidité vibrante pour fins connaisseurs.


Paolo Basso et la famille Fleury

En chef d’orchestre, le père, Jean-Pierre Fleury. Dès 1989, précurseur, il convertit trois hectares en biodynamie puis dès 1992 la totalité du vignoble des Fleury, soit aujourd’hui 15 ha enracinés dans la Côte des Bar, non loin de leur fief de Courteron. Dans l’orchestre et aujourd’hui gérants du domaine, un trio de choc : les enfants Fleury avec Benoît au travail de la vigne, Jean-Sébastien à la vinification et Morgane, sommelière, à la commercialisation en sa boutique parisienne près des Halles. Leurs instruments ? Des cépages renommés avec le Pinot Noir, qui représente 85 % de leur production et qui donne le « la » à leur dernière cuvée, un 2006 extra brut 100 % Pinot Noir aux notes d’eau-de-vie de mirabelles, kirsch, melon et prunes et joliment appelée « Boléro ».

Autre chef d’œuvre de la gamme : « Notes blanches » 2011 Brut Nature, cuvée confidentielle, élevée en barrique bois et surtout 100 % Pinot Blanc, un cépage plus inhabituel qui, selon le Meilleur Sommelier du Monde Paolo Basso, se livre avec « densité et puissance ». « Mais nous avons aussi créé un bel assemblage de Pinot Noir en duo avec du Chardonnay pour la cuvée extra brut "Sonate" », précise Jean-Sébastien Fleury qui justifie cet autre nom musical par les « émotions légères et variées qu’apportent en bouche ce Champagne » et « par notre souhait de laisser s’exprimer la nature et ses rythmes » en respectant tous les temps, de floraison des vignes, de fermentation comme d’élevage.

La biodynamie, un chemin de vie de 4 générations

Force est de reconnaître que les Fleury, au fil des ans, sont bel et bien devenus des maestros de la culture en biodynamie : composts naturels, désherbage mécanique, pulvérisation de silice de quartz tôt le matin pour intensifier la photosynthèse jusqu’à des tests depuis 5 ans de tisanes anti-mildiou aux sulfates de cuivre, soufre, ortie…  « Un chemin de vie de 4 générations », précise Jean-Pierre en désignant d’un geste une cagette remplie des carnets de son grand-père Robert, véritables trésors d’indications météo et d’évolution de leurs vignes au jour le jour.

Un exemple rare en Champagne. « Nous ne sommes qu’une quarantaine en Champagne à faire de la biodynamie et une centaine en bio, avec une production de seulement 1 million de bouteilles sur 300 millions. Il y a encore des freins économiques et psychologiques, les vignerons de Champagne, avec des rendements plus élevés que dans d’autres régions et des marchés qui se portent bien, ne voient pas forcément l’intérêt de se convertir », constate Jean-Sébastien qui se réjouit cependant d’avoir fait quelques émules chez les vignerons voisins.     

Les restaurants étoilés – Sola à Paris, Elsa à Monaco, Les Crayères à Reims… – clients  des Fleury, eux ne s’y trompent, et ont jeté leur dévolu sur ces cuvées respectueuses de la nature, à l’acidité renforcée par la biodynamie, et destinées, selon Paolo Basso, à être dégustées par « un public de connaisseurs avertis »… sans bémol.

www.champagne-fleury.fr

 

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Champagne Gremillet : Insolite et dynamique

A Balnot-sur-Laignes, au cœur de l’Aube, la maison familiale Gremillet cultive sa différence dans l’univers du Champagne par son esprit créatif et des cuvées très expressives. 


Jean-Michel, Anne Gremillet et Paolo Basso

Une bâtisse moderne perchée en haut d’une colline striée de vignes. Un paysage à couper le souffle. La visite démarre menée d’un pas alerte et talons hauts par Anne Gremillet, « la fille de la maison ». Direction le Clos Rocher, créé en 2012 : 1,4 ha planté en Pinot noir ceint de murets et de fer forgé. « Ce Clos, plutôt rare en Champagne, c’était le rêve de mon père Jean-Michel Gremillet.  L’aboutissement d’un développement rapide de la maison qui passe de 35 ares légués par ma grande mère en 1979 à 42 hectares aujourd’hui », glisse Anne, non sans fierté. Elle nous entraîne ensuite vers la cadole, une maisonnette circulaire au cœur des vignes où prennent place dégustations ou déjeuners gastronomiques. Un peu plus loin, la salle d’accueil qui permet de loger jusqu’à 120 vendangeurs chaque année. Aujourd’hui peu de maisons gardent encore ce côté convivial des vendanges.

Un arborétum en hommage à une clientèle de prestige,
les ambassades et consulats

Après le clos Rocher, un joli jardin botanique nous ouvre ses portes, lui aussi porteur d’une histoire singulière : les 82 arbres qui y sont plantés sont tous originaires du pays qu’ils représentent. Ils racontent comment, arbre après arbre, Jean-Michel Gremillet a su s’imposer, alors qu’il n’était encore qu’un petit producteur, sur un marché certes de niche mais des plus prestigieux : celui des Ambassades et Consulats français à l’étranger. « Et c’est toujours un marché d’actualité », ajoute Anne, « avec des ventes dans une quarantaine d’ambassades. On retiendra aussi un partenariat atypique depuis 1998 avec la Guyane où chaque lancement de fusée Ariane réussi est célébré au Champagne Gremillet ».

« Un beau Champagne expressif et tout en finesse »

Pour autant, la maison gagne de plus en plus du terrain sur le marché français grâce au développement de l’œnotourisme et son déploiement sur les foires et salons de l’Hexagone. Une clientèle fidèle et friande de leurs cuvées : le Brut sélection, représentant 60 % de leurs ventes, aux arômes de fleurs blanches et de fruits tropicaux et au dosage généreux ; plus élégant encore, le Brut Blanc de Blancs, « un beau Champagne expressif et tout en finesse », selon le Meilleur Sommelier du Monde Paolo Basso. Mais aussi, particulièrement structuré, ferme et viril, le Brut Blanc de Noirs, vieilli 36 mois sur lattes, parfait pour « des plats de poissons intenses et de la volaille comme la poularde ou la pintade ».

De fait, Jean-Christophe Gremillet, le frère d’Anne, qui œuvre à l’assemblage et à la vinification, ne manque pas non plus d’inventivité pour parfaire ses cuvées. Ses Champagnes sont issus exclusivement de premières presses et leurs temps d’élevage dépassent les normes imposées, avec 22 mois pour le Brut sans année et jusqu’à 5 ans pour les millésimés. Sans compter une attention toute particulière pour éviter l’oxydation grâce à leur technique « jetting ».
Une maison familiale décidément atypique jusqu’au bout des bulles. Elle revendique sa jeunesse et sa construction rapide, prône l’optimisme et le travail parce que « tous vos succès méritent un Gremillet » tel que l’indique le slogan de la maison.

champagnegremillet.fr

 

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Champagne Henriot :
« Une majorité de Chardonnay et deux tiers
de Premiers et Grands Crus »

Fondée en 1808, la maison Henriot a su maintenir depuis huit générations des cuvées traditionnelles où prédominent arômes d’agrumes et touches viennoises. Rencontre à Reims avec Laurent Fresnet, chef de cave depuis 2006, toujours « prêt à partager la bulle » et qui perpétue, avec rigueur et douceur, le style Henriot.

Paolo Basso et Laurent Fresnet

Comment définiriez-vous l’ADN de la maison Henriot ?
C’est une majorité de Chardonnay et deux tiers de Premiers Grands Crus, soit des vins riches, ayant pour but d’apporter notamment de la finesse et de la minéralité. Notre philosophie est aussi d’assurer une production de qualité constante avec une recherche tournée vers la minéralité, la fraîcheur autour d’arômes d’agrumes et de touches viennoises avec un côté pâtissier, brioché et crémeux.

Quelles sont vos sources d’approvisionnement, notamment en Chardonnay, le cépage privilégié par votre maison ?
Nous exploitons 35 ha, dont 50 % de Chardonnay et 50 % de Pinot Noir. Le Chardonnay est issu principalement des sols crayeux de la Côte des Blancs et le Pinot Noir de la Montagne de Reims, du côté d’Epernay. S’y ajoutent 120 ha en approvisionnement, en majorité dans les 42 Premiers Crus et les 17 Grands crus de l’appellation, parmi lesquels Chouilly, Oger, Avize, Mesnil, Vertus pour le Chardonnay et Verzy, Verzenay, Avenay, Mareuil, Mailly pour le Pinot noir.

Quelles sont vos plus fortes ventes ?
Notre produisons 1,6 millions de bouteilles par an, exportés à 40 % surtout vers les Etats-Unis, le Japon, l’Italie… Près de 70 % des ventes concerne notre marque référente, le « Brut Souverain », assemblage de 50 % de Chardonnay pour la fraîcheur et la finesse et environ 45 % Pinot Noir – qui donne un côté agrume, une sensation croquante – et entre 5 et 8 % de Meunier selon les années. Il est constitué de 30 % de vins de réserve, dont une moitié provient de l’année précédente et l’autre de réserves plus anciennes. C’est l’une des particularités de nos assemblages et la clé de la stabilité de nos Champagnes. Avec comme botte secrète, la Réserve Perpétuelle Cuve 38.

Quelle est la spécificité de cette Cuve 38 ?
Elle est constituée uniquement de Chardonnay (4 villages Grands Crus sur la Côte des Blancs) et issu de 30 vendanges pour la version actuelle. Rafraîchie à hauteur de 15 % tous les ans, cette réserve sert de base dans tous les Champagnes brut sans année. Cette cuve avait pour fonction de représenter le style, l’ADN de la Maison pour les bruts sans année. Mais en 2009, nous avons souhaité tiré un petit volume en magnum (3%) de la cuve.

Une fraîcheur que vous avez également recherchée dans l’élaboration de votre « perle », le Blanc de Blancs ?
Elaboré à partir de Chardonnay issu de Premiers et Grands Crus à hauteur de 80%, vieilli 5 ans, notre Blanc de Blancs intègre 40 % de vins de réserve et, de fait, n’est dosé qu’à 7 g, ce qui crée un ressenti d’agrume, un côté pêche blanche au nez qui va se transformer en nectarine avec le temps. Les gens pensent que le Blanc de Blancs peut avoir un caractère vert, mais en fait, notre Blanc de Blancs se révèle généreux et on y sent la patine viennoise.

Fin 2017, vous avez également sorti un magnum Brut millésimé 2005.
Comment le décririez-vous ?

Composé à parité de Chardonnay et de Pinot Noir issus uniquement de Premiers et Grands Crus, ajouté d’une liqueur maison, ce vin a vieilli et maturé plus de 10 ans. Le palais est équilibré avec des arômes d’agrumes notamment confits. La nectarine et la pêche jaune dominent puis vient une onctuosité de beurre frais. Soit un vin très fruité et généreux.

www.champagne-henriot.com

 

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Champagne Lanson :
Une ode à la finesse, plus qu’à la puissance

Depuis son rachat en 2006, la renommée maison Lanson a pris un nouvel élan. Dotée d’équipements flambant neuf, elle multiplie des cuvées de prestige pour sublimer les Grands Crus, la finesse et la fraîcheur de ses champagnes.


Hervé, Dantan, Philippe Baijot et Paolo Basso

Une rareté. Un hectare de Chardonnay en plein cœur de Reims, un îlot de verdure surplombant immeubles et maisons et s’ouvrant à l’horizon sur les tours de la majestueuse cathédrale. Un joyau, qui par la volonté du président de la maison Lanson, Philippe Baijot, très attaché à cette parcelle, est devenu depuis 2016, un clos. « Ce pur Chardonnnay planté en 1962 vient de donner, à partir de la vendange 2006, le premier millésime "Clos Lanson" », annonce avec fierté le chef de caves Hervé Dantan.  « Cette parcelle exceptionnelle est située sur une butte avec une craie très friable et des sols très secs. Quand on combine le côté intra-muros, avec des températures plus élevées – ce qui implique des vendanges précoces – cela donne des Chardonnay très particuliers, très mûrs et généreux avec beaucoup d’arômes, de précision et de salinité car la craie est très présente », précise-t-il au Meilleur Sommelier du Monde Paolo Basso qui, quelques instants plus tard, appréciera « la belle robe cristalline et le nez intense de levures, de poivre vert et de fleurs blanches » de ce « Clos Lanson Blanc de Blancs 2006 », non revendiqué extra-brut mais au dosage en sucre discret à 3 g seulement.

Retour aux foudres de bois et sélection micro-parcellaire

Select et prestigieux, ce millésime se pose comme le symbole d’un tournant pris par la maison Lanson pour gagner en excellence depuis son rachat en 2006 par les trois familles Paillard, Baijot et Roques-Boizel. « Un coup de jeune auquel j’ai eu la chance de participer », confie Hervé Dantan, qui a pris la succession en 2013 du chef de caves Jean-Paul Gandon, tout en présentant à Paolo Basso la nouvelle cuverie, jouxtant le clos, aux cuves flambant neuf de 40 à 100 hectolitres, toutes portant les noms des différents terroirs. « Pour gagner en qualité, nous travaillons désormais beaucoup en micro-parcellaire et, depuis 2013, nous disposons également d’un nouveau chai avec 23 foudres en bois pour le vieillissement des vins de réserve. La signature maison est aussi de ne pas utiliser la fermentation malolactique, c’est notre style identitaire. On bloque la 'malo' par le froid à 8°. Du coup, les foudres de bois apportent beaucoup de diversité aromatique et de crémeux, ils permettent d’enrichir le style tout en restant dans le fruité, la fraîcheur et l’élégance ».

« Les foudres en bois nous permettent de privilégier de Grands Crus pour une ode à la finesse et non à la puissance, avec une forte salinité et une aptitude au vieillissement important de près de 15 ans », Hervé Dantan, chef de caves de la maison Lanson

De fait, sur la gamme des treize champagnes différents de la maison, Paolo Basso se délecte, entre autres, des savoureux Blanc de Blancs « Noble », avec des bruts d’exception pour les millésimés 1989, 1990, 1997 et 2002, ce dernier qualifié « d’excellent » par le sommelier qui évoque un « beau vin qui séduit par sa force et son éclat et pouvant accompagner une cuisine de poisson accompagnée de sauces onctueuses qui équilibrent la fraîcheur ».

www.lanson.com

 

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Champagne Roederer « Donner l’esprit du lieu »

Pour atteindre l’excellence, la maison Roederer puise dans la quintessence des meilleurs terroirs de Champagne, fleurons de Cristal, mais cette recherche va plus loin. Sa conversion croissante vers le bio et la biodynamie conjuguée à des technologies de pointe la propulse au sommet. Rencontre avec Jean-Baptiste Lécaillon, chef de caves depuis 1999, pilier de la maison Roederer depuis trente ans, qui réussit le tour de force d’allier idéaux et pragmatisme.


Paolo Basso et Jean-Baptiste Lécaillon

Depuis le milieu des années 90, un vaste travail a été entrepris par la maison Roederer pour redonner de la typicité à ses Champagnes. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
A partir de 1996, la décision a été prise en effet de ne pas aller vers l’uniformisation mais de chercher l’identité de chaque parcelle et d’adapter la vinification à chacune avec une réintroduction peu à peu du labour, l’arrêt des insecticides, la fabrication de notre propre compost, etc. Résultat, en 2017, 140 ha ont été cultivés en bio et 100 ha en biodynamie. L’objectif est même de passer à 100 % en biodynamie sur le Cristal d’ici 2020. Pour nous, un sol mieux respecté donne tout simplement mieux l’esprit du lieu. Mon idéal a toujours été de tendre vers la permaculture. Si l’on veut que le vin ait le goût du lieu, le mieux, selon moi, est d’intervenir le moins possible. En Champagne, cependant, cela n’est guère possible à cause de la dispersion des parcelles dans le paysage, or la permaculture, elle, ne se conçoit qu’à l’échelle d’un écosystème. Cela dit, mon but premier est de faire un vin délicieux, pas un vin en biodynamie à tout prix. Si la vigne est menacée, nous ne recourons pas à la biodynamie.

Sur les procédés de vinification, quels changements avez-vous introduits ?
Pour rendre les vins plus puissants et les arrondir, le choix a été fait de les élever en foudres de chêne grand format afin d’aller chercher, plus que le bois d’ailleurs, de l’oxygène. Pour moi, le Champagne est le plus humain des vins et nécessite une forte intervention de l’homme. Le plus crucial se joue dans la première fermentation et le phénomène de minéralisation qui se produit par l’effet des levures, en flirtant entre oxydation et fermentation. Lors de la prise de mousse, nous privilégions aussi des pressions douces, entre 4 et 5 bars au lieu des 6 habituels en Champagne. Plus la mousse est fine, plus elle crémeuse et moins on sent le gaz carbonique. Pour la maison Roederer, un Champagne doit être une caresse. Nos caves ont aussi été équipées d’éclairages sans UV pour éviter de donner aux vins un goût métallique et de soufre. Un travail de recherche a également abouti à la conception en 2006 d’une bouteille en verre marron qui permet de filtrer les UV à 98 %, soit un gain de 6 points de protection par rapport au verre vert.

Quel a été selon vous, la plus grande avancée technologique ces dernières années qui vous a permis de parfaire la vinification ?
Selon moi, la spectroscopie infrarouge IRTF est une avancée considérable. En moins d’une minute, on obtient une somme d’informations impressionnante sur le taux de sucre, les acides, le CO2..., ce qui est très précieux pour savoir dans quelle mesure on doit intervenir, pour confirmer ou infirmer ce qu’auparavant nous analysions de façon empirique.

www.louis-roederer.com

 

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Champagne Piper-Heidsieck : A l’assaut du XXIe siècle

Tourbillon de la jeunesse et de la séduction, de la fête jusqu’au bout de la nuit et des stars sur grand écran… Piper-Heidsieck, bien que fondée en 1785, flirte depuis des décennies avec son temps. Avec un tournant, à l’aube du XXIe siècle, pour redonner à ses cuvées un surplus « d’âme et de personnalité ».
 

Paolo Basso et Régis Camus

Au milieu des années 90, à la périphérie de Reims, un champ de céréales a laissé place à 15 ha d’une unité industrielle dernier cri. Un amphithéâtre de 200 cuves thermorégulées à l’inox miroitant et opérationnelles depuis 1995. Au sous-sol, les caves et tout autour de la cuverie, les différents sites de remuage, dégorgement, habillage, expédition… Le tout sur 15 ha où est désormais centralisé toute la production de Piper-Heidsieck. Avec en 2008, l’ajout du siège social : une bâtisse contemporaine de l’architecte Jacques Ferrier ajourée de résille métallique et de panneaux dorés… Piper-Heidsieck est entré de plain-pied dans le XXIe siècle. Et la mue n’est pas que de façade.

« Depuis 15 ans, nous avons diversifié nos approvisionnements dans la Côte des Bar en Pinot Noir, cépage qui est au cœur de nos assemblages. Nous disposons aussi de cuves séparées pour chaque cru et surtout, nous avons entrepris un gros travail sur les vins de réserve », liste Régis Camus, honoré à huit reprises du titre de « Chef de Caves de l’année » par le jury du « International Wine Challenge ». « Ainsi sur notre Brut, qui est un puzzle à reconstruire chaque année, nous recherchons avant tout la structure apportée par une majorité de Pinot Noir, le fruit, la fraîcheur mais aussi, ce qui est plus complexe, de la profondeur en ajoutant au minimum 10 à 20 % de vin de réserve (50 % Chardonnay – 50 % Pinot Noir) d’une moyenne d’âge de 6 ans. C’est la dernière pièce du puzzle utilisée pour concrétiser notre Brut Sans Année ».

Essentiel Extra-Brut : « Un BSA sans artifice »

Souhaitant dépasser « cette image de la nuit et de la mode et redonner une personnalité et une âme au BSA », Régis Camus a de plus peaufiné une cuvée spéciale pour amateurs éclairés, « Essentiel Extra-Brut ». « C’est le BSA sans artifice, 16 % de vin de réserve, 5 ans de vieillissement sur lie et un dosage en sucre moindre à 5 g au lieu des 9 g sur le BSA, afin de mieux saisir la structure du Pinot ». Une cuvée forcément plus vivace, qui d’après Paolo Basso, se doit d’être « accompagnée par des produits qui apportent de l’onctuosité pour équilibrer la droiture ».

Puis viennent les millésimes, « véritables photographies de l’année » selon Régis Camus qui se montre incollable sur les conditions météorologiques et les vendan-
ges des décennies passées : la sécheresse de 76, le grand froid avec -30° en 1985, la canicule de 2003…  « De fait, chacun a sa personnalité, avec le 96 qualifié de "fougueux", le 2004 "le marathonien" tellement il a de l’énergie, le 2006 nommé "le généreux", le 2008 "le virtuose", un vin très pointu… ».

Et une année « extraordinaire, le 2002 » qui a donné le 8ème millésime de la gamme « Rare », un assemblage de 70 % de Chardonnay et de 30 % de Pinot Noir. « Là on est plus sur les fruits exotiques – mangue, kiwi, fruits de la passion… – beaucoup de minéralité et une cuvée à qui il faut laisser du temps pour exprimer toute sa vivacité », décrit Régis Camus, toujours en quête de gorgées d’exception pour séduire les Upper Millennials.

 piper-heidsieck.com

 

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Champagne Senez :
Un esprit de conquête à Fontette

Depuis la fondation de la maison dans les années 1970, la maison Senez, implantée à Fontette, a gagné, avec ténacité et simplicité, ses galons dans la Champagne auboise.


Paolo Basso, Angélique et Frédéric Senez

Sur la façade, un jeune Bacchus assis nonchalamment sur un tonneau, la coupe levée, invite d’emblée le visiteur à déguster quelques nectars. Le fait est. A peine la porte d’entrée franchie, Angélique, la propriétaire du domaine Senez, sort les verres et les dispose sur l’immense table en bois massif. « Voulez-vous déguster de suite ? », invite-t-elle d’un ton timide mais d’un sourire généreux. Ici, chez les Senez, pas de longs discours ni de story telling, l’essentiel est dans la dive bouteille, le produit, la sincérité et la simplicité. Sur la table, le Brut « Carte Blanche », un 100 % Pinot Noir, leur cuvée la plus vendue et produite à hauteur de 260 000 bouteilles par an. « Un vin polyvalent qui trouvera sa meilleure expression à l’apéritif », estime le Meilleur Sommelier du Monde Paolo Basso, soulignant son « acidité en bouche qui donne beaucoup de vivacité ». A ce « référent maison » s’ajoute une large gamme avec des assemblages mi-Pinot/mi-Chardonnay pour le « Carte verte », des Rosées de saignée, du Brut Nature, des millésimés et même des coteaux champenois et flacons de Ratafia.

Un principe : pas de fermentation malolactique

« Tous sont faits sans fermentation malolactique depuis 1988 », pose avec conviction le mari d’Angélique, Frédéric, qui œuvre à la vinification. « Cela est plus contraignant mais nos vins se conservent ainsi plus longtemps et gardent davantage de fraîcheur », ajoute-t-il tout en précisant les arrondir avec du moût de raisins concentrés rectifié. « Les raisins proviennent de nos 21 ha de vignes sur Fontette et Essoye. Pour produire au total 414 000 bouteilles par an, nous nous approvisionnons aussi avec des raisins, sur l’équivalent de 22 ha, issus également de ces secteurs pour être sûr de garder la même qualité », poursuit Frédéric, qui a pris les rênes de cette maison il y a 17 ans, lors de son mariage avec Angélique, la fille de Cristian Senez, qui se plaît à retracer la conquête familiale. « Mon père, qui était chef de cave à la coopérative de Fontette, a commencé dans les années 50 en acquérant quelques ares puis il a commercialisé ses propres cuvées en 1973 tout en acquérant des hectares. C’était un bâtisseur ».

Un socle : une famille unie

De ce parcours parental tout en ténacité, la maison Senez en garde aujourd’hui pleinement les traces. Par cette salle de dégustation tout de bois et baies vitrées construite de leurs mains et où trône une photographie de Cristian, passionné de sport, au côté de David Douillet. Par leur dépôt-vente aussi dans le sud de la France toujours géré par Cristian et Josette. « Et si aujourd’hui, nous faisons 25 % de nos ventes à l’export, au Japon, en Espagne, Italie, Allemagne, Tahiti… c’est notamment grâce à mes parents qui, lorsqu’ils partaient en vacances à l’étranger, avaient le don pour tisser des liens, rencontrer des gens et initier des marchés », souligne Angélique.
Forts de cette histoire familiale, sous le signe de l’union et de la transmission, Angélique et Frédéric ont ainsi concocté, tout naturellement, il y a 4 ans, une cuvée spéciale dédiée à leurs deux filles, aujourd’hui étudiantes, « La Cuvée des filles ». Un assemblage mi-Chardonnay et mi-Pinot Blanc qui, d’après Paolo Basso, se distingue par « ses reflets argentés, ses arômes, de pomme golden, de melon et de groseille, sa bouche riche et gourmande avec une fraîcheur bien vivace ». Une vitalité et un esprit de jeunesse présentes dans toutes les cuvées de la maison Senez qui, pionnière dans la région de la vente par Internet, incarne plus que jamais l’esprit de conquête.

www.champagne-senez.com

 

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Champagne Pierre Trichet :
A la recherche des vins d’antan

Cépages rares tels que le Pinot Blanc, un 100 % Chardonnay à 3 bars seulement… Pierre Trichet, vigneron implanté au village de Trois-Puits, dans les premiers contreforts de la montagne de Reims, s’appuie sur le passé pour mieux inventer et surprendre les papilles.


Paolo Basso et Pierre Trichet

« Oui, ça, on peut le dire, il ne cesse de tester, chercher, expérimenter, c’est sa nature », reconnaît sa femme, Mireille Trichet. C’est sous les alcôves et dans la fraîcheur de sa cave datant de 1783, dédale de 40 mètres de long qui court sous leur maison, que Pierre Trichet, 50 ans, œuvre, année après année, en véritable alchimiste des assemblages. « Lorsque j’ai repris la propriété de mes parents en 1986, mon père m’a fait confiance et laissé faire ce que je voulais. J’ai eu une écoute et les mains libres, une chance inouïe », glisse-t-il en jetant un regard reconnaissant à son père René.

Nostalgie du demi-mousse

Sa première « création », lancée dans les années 90, la cuvée Caractère, un Blanc de Noirs Premier Cru, bien frais et au caractère friand, a tapé juste. Elle représente aujourd’hui 20 % de leurs ventes, notamment auprès d’une clientèle de particuliers. Attaché à la terre et à l’histoire de ces terroirs, Pierre Trichet a récidivé, en concoctant une cuvée inédite, Secret d’or, sortie en 2015, un 100 % Chardonnay avec une originalité : « Je le tire à 3 bars de pression au lieu de 6 pour retrouver les caractéristiques des champagnes d’antan, un vin en demi-mousse, ni vif ni acidulé, avec tout de même un dosage à 7 ou 8 g et non à 12 g comme à l’époque de mes parents ». Sur les traces des années 60-70, le vigneron aux mains trapues des travailleurs de la terre a de même redonné vie à des vins tranquilles entièrement Chardonnay, lancés sur le marché, tout juste au début de l'automne. « C’est du champagne en puissance, ça me trottait dans la tête depuis longtemps, je trouvais dommage que le champenois ait perdu ces vins-là ».

« J’en ai planté, pour rester prudent, une petite parcelle en Premier Cru, avec l’envie de recréer les vins que l’on pouvait boire du temps de Dom Pérignon » – Pierre Trichet

1 333 bouteilles et pas une de plus

Mais sa quête se niche aussi dans la recherche des cépages rares. Le Pinot Blanc, qu’il a redécouvert, il y a quelques années en dégustant des vins clairs de l’Aube, l’a ainsi complètement séduit. « J’en ai planté, pour rester prudent, une petite parcelle en Premier Cru, avec l’envie de recréer les vins que l’on pouvait boire du temps de Dom Pérignon ». Tout juste sortie, sa cuvée 100 % Pinot Blanc 1333 – nom indiquant le nombre confidentiel de bouteilles produites et par ailleurs numérotées – s’ouvre sur des arômes d’épices et de fruits à chair blanche pour finir en beauté sur des notes de poivre blanc et d’agrumes. Une originalité. « Pour nous, il est différent des Chardonnay et des Pinots.

On ne sait pas si on est dans les Blancs ou dans les Noirs et on ne sait pas quelle est la durée de vie de ce vin, si on peut l’emmener plus loin…C’est un peu le début de l’histoire », confie, les yeux pétillants, cet explorateur infatigable.

www.champagne-pierre-trichet.com

 

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Champagne Paul Bara : L’élégance du Pinot Noir

Le domaine Paul Bara date de 1833 et commercialise du Champagne depuis les années 50. Avec 11 hectares en Grand Cru sur Bouzy et une parcelle à Ambonnay, la Maison joue sur une partition à 85 % Pinot Noir où le Chardonnay joue le rôle de modérateur. Le roi, c’est lui et de nombreuses cuvées lui sont dédiées, dans cette maison où le Champagne est d’abord un vin.


Gérard Basset, Christian Forget chef de cave et Chantale Bara

A Bouzy, fief du Pinot Noir, la Maison Paul Bara se transmet de génération en génération depuis 170 ans. On y produit 100 000 bouteilles de 7 Champagnes différents ainsi qu’un vin rouge : le Bouzy Rouge. Avec Chantale Bara, qui a repris en 1986, le style a gagné en précision et en distinction aromatique. Tout en respectant les grandes valeurs traditionnelles familiales, Chantale a cherché sa propre voie en privilégiant le travail des sols, labourés, enherbés, et la rénovation de la cuverie pour atteindre ses objectifs qualitatifs. Les Champagnes Paul Bara sont aujourd’hui commercialisés à plus de 70 % sur les 5 continents dans 30 pays différents.

Dans les chais, Christian Forget, le chef de cave exigeant et passionné, respecte des règles intransigeantes mais avoue laisser la part belle à l’intuition, qui donne ce supplément d’âme aux bulles de cette aventure familiale. Car c’est bien dans le culte de sa diversité parcellaire que la maison assoit sa réputation et trouve la vertueuse complexité de ses vins. Afin de préserver le caractère originel et la fraîcheur du vin, la maison a arrêté la fermentation malolactique depuis 96, réductrice de l’effet terroir et de la capacité de garde. Ici, les millésimes mûrissent longuement dans le calme et les profondeurs de ses caves centenaires creusées dans la craie. La maison est appréciée pour ses millésimés anciens.

Et lorsqu’on demande à Chantale Bara de décrire la signature de la maison, « puissance, générosité, droiture » sont les trois mots qui lui viennent à l’esprit. Une signature marquée par la fidélité à un cépage dont la maison a su apprivoiser le jus blanc, ce Pinot Noir que l’on dit si « viril ».

« En 2016, nous avons sorti une nouvelle cuvée, hommage à nos ancêtres, Annonciade, prénom de mon aïeule qui a épousé le premier Bara arrivé à Bouzy. Une autre cuvée, Comtesse Marie de France est issue de vignes âgées de 60 ans, avec 100 % de Pinot Noir », détaille Chantale. « Il y a de la cerise confite, de la tarte à la mûre ainsi que des nuances d’épices douces dans la palette aromatique de cette cuvée », note Gérard Basset, de passage au domaine, avant d’ajouter « les notes de mandarines confites en rétro-olfaction donnerait parfaitement la réplique à une dorade aux olives ».

www.champagnepaulbara.com

 

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Le dandy de Brimoncourt

Alexandre Cornot a fait une entrée remarquée dans l’univers des maisons de Champagne. Entre grandes marques et vignerons indépendants, le négociant a imposé son style. A son image, singulier, pétillant, décalé.


Alexandre Cornot , Gérard Basset, Diogo Veiga (Association des sommeliers de Paris), Paulina Sinkiewicz et Emmanuel de la Morinerie

Avec son allure de dandy old school à la Oscar Wilde, mâtiné d’une moustache guidon Belle Epoque lissée sur les côtés façon Brigades du Tigre, sans oublier les chaussettes néo preppy orange mécanique, Alexandre aurait pu être le digne héros d’un roman d’Agatha Christie. Il n’en est rien. Héraut d’un luxe à le française, il choisit de créer un Champagne avec une girafe en tenue militaire pour écusson et comme figure tutélaire Philippe d’Orléans, régent du jeune Louis XV, à qui on attribue l’introduction du Champagne à la cour royale. Sa marque ? Brimoncourt, un nom qu’il rachète, vierge de toute histoire, auquel il insuffle un esprit Régence et une devise épicurienne : légèreté, partage, élégance et indépendance.

Rien ne le prédestinait à devenir négociant en Champagne si ce n’est ses origines rémoises. Successivement officier de marine, diplômé d’une double maîtrise en droit fiscal et des affaires, notaire à Paris, marchand d’art à New York, Alexandre est revenu en Champagne en 2007 lorsqu’il rachète à l’un de ses amis l’illustre imprimerie Edouard Plantet à Ay, avec ses 8 000 pierres lithographiques d’étiquettes de Champagne. Celle-ci deviendra le fief de Brimoncourt, une marque endormie depuis si longtemps que tout restait à réinventer.

Celui-ci arpente alors le vignoble pour s’approvisionner et construire l’identité de sa maison. S'ensuivent six années d'un long travail souterrain au cours desquelles l'entrepreneur fédère des partenaires et injecte plus de 7 millions d'euros pour structurer la maison. Brimoncourt est lancé commercialement en 2013 avec un brut, tout naturellement baptisé Régence. Lui succèderont un Blanc de Blancs et un Rosé en 2014 puis un Extra-Brut, dosé à 2 g et composé à 80 % de Pinot Noir et 20 % de Chardonnay. Viendra s'ajouter en 2018 un millésimé 2009.

Le packaging est soigné, la qualité des vins rapidement adoubée par la presse. « Nez complexe de nectarine, de fruits secs et de gingembre avec des nuances mentholées, et une abondance de fraîcheur au palais », note Gérard Basset pour l’Extra Brut. La marque cible les cavistes, les étoilés et un public d'épicuriens, « un univers de plaisir, libre d’esprit, hors des sentiers battus » avec des partenaires singuliers, associations de chasse à courre, circuits automobiles, jardins des Tuileries, festival de Cannes… qui forment une sorte de « galaxie décontractée ». Les projets ? L’acquisition de vignobles pour sécuriser son approvisionnement et l’ouverture des marchés à l’export.

brimoncourt.com

 

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Champagne langlet : L’âne et les trois vignerons

Les Champagnes Langlet, c’est une aventure originale, celle de trois copains issus de familles vigneronnes champenoises qui décident d’inventer une marque à leur image. Epicurienne, festive, authentique. Avec pour emblème un âne, pas celui de Perrault mais celui des heureuses coïncidences…


Vincent Métivier, Frédéric Papelard, Gérard Basset et Luc Chaudon

Il y a Vincent Métivier, l’homme des vignes, celui qui parle à l’oreille des chevaux et ne cesse d’observer sa terre, pas encore en bio mais dans un permanent respect de la nature (lutte raisonnée, traitement de la vigne strictement limité, enherbement des inter-rangs…) ; Luc Chaudon, à la tête d'une affaire de négoce, dont le vignoble, situé sur la Montagne de Reims, est constitué principalement de Grand Crus et de Premiers Crus ; et Frédéric Papelard, l’ambassadeur de la marque, celui à qui l’on doit d’avoir imposé le Champagne Langlet sur bien des grandes tables à Paris.

Il leur fallait un nom, ce sera Langlet, le nom de jeune fille de la mère de Vincent, en hommage à celle qui est partie trop tôt, en hommage aussi aux racines champenoises dont sont issus nos trois vignerons. Il leur fallait aussi une histoire et un emblème. Ils choisissent une légende, celle de l’âne Martin à qui on attribue l’invention de la taille de la vigne. L’histoire raconte que lors d’une tournée d’hiver des monastères, Martin de Tours s’est assoupi dans les vignes, après avoir attaché son âne à un piquet. Ce dernier en a profité pour brouter les sarments, attisant la colère des moines, peu enchantés de la folie famélique de l’animal. Mais à l’heure de la vendange, la surprise fut belle ; des grappes de raisins pulpeuses et savoureuses pendaient à ces vignes rabotées. L’âne, baptisé Martin, orne depuis les bouteilles Langlet…

« Des vins gourmands, natures, empreints de terroir et destinés à toutes les heureuses coïncidences… ». Chez Langlet, la marque se place sous le signe de la complicité malicieuse du destin. C’est ce qu’on voulu nos trois mousquetaires adeptes du ‘Tous pour un ! Un pour tous !’ « Quand on a des coups de blues, les autres vous remontent le moral », confie Frédéric qui s’occupe du commerce et de la communication, au volant de son black cab londonien. « Je livre aujourd’hui environ 400 restaurants à Paris. C’est un marché très concurrentiel, la fidélité n’existe plus, il faut être présent et sérieux. Nous avons tenté l’export mais nous avons fait demi-tour. Maintenant, nous sommes prêts ! Nous cherchons des importateurs. » La gamme s’est étoffée autour de 60 000 bouteilles réparties en 7 cuvées, du Brut maison au nez de prune et de cerise sauvage à l‘Extra Brut Fût de Chêne « aux arômes de pignons de pins grillés avec une finale miel de lavande », à servir sur « une longe d’agneau rôtie au romarin », d’après les conseils du Meilleur Sommelier du Monde Gérard Basset. Bref, des Champagnes qui ne redoutent aucun défi, pourvu que le plaisir en soit le seul enjeu, comme en témoigne l’immense cuisine installée au milieu du chai, à Gland, fief des Champagnes Langlet.
 

champagne-langlet.com

 

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Champagne Legras et Haas :
« Laisser le vin chanter juste »

« La vérité est au fond du verre » : est-ce pour valider cet adage que Jérôme Legras s’est tatoué un verre vénitien sur l’avant-bras ? Toujours est-il qu’il a son métier dans la peau et le goût du Champagne authentique, pur, celui qui parle de ses racines et qui donne la réplique à tous les délices de la table. Aux côtés de ses parents et de ses deux frères, il défend une maison qui porte son nom : Legras et Haas.


Jérôme Legras et Gérard Basset

Quelle est l’identité des Champagnes de la famille ?
Notre maison existe depuis 1991. C’est une maison familiale classique, qui joue la carte des grands produits champenois, avec une gamme de 7 vins, qui a pour dénominateur commun un faible dosage (entre 0 et 8 g/l), ce qui permet de préserver l’élégance et la pureté de toutes les cuvées. Mais la signature de notre marque, c’est le Blanc de Blancs Grand Cru issu du terroir de Chouilly où nous détenons 17 hectares. Dans un paysage où beaucoup marquent leur empreinte et tentent de créer une identité parfois artificielle, je trouve nos vins rafraîchissants par leur classicisme assumé. Nos pratiques viticoles évoluent avec à cœur l’envie de faire plaisir et de se faire plaisir en tant que vigneron. C’est pourquoi en parallèle de pratiques dites raisonnées, nous avons quelques parcelles pilotes cultivées en bio.
Chez Legras et Haas, on essaye de laisser le fruit et le vin « chanter juste ». C’est notre credo, on cherche l’élégance dans la sobriété, la finesse dans la rigueur, autant de paramètres qui renouvellent chaque année le défi d’exigence de nos Champagnes !

Avez-vous des projets ?
L’objectif de la Maison est de perpétuer la tradition d’élaboration de grands Blanc de Blancs à partir de notre terroir. L’idée, c’est de se développer de manière naturelle, sans trop communiquer, presque seulement grâce à la qualité de nos vins. Nos dernières cuvées incluent une cuvée parcellaire, issue d’un terroir de Chouilly encore trop méconnu à nos yeux, et un 100 % Chardonnay de Chouilly élaboré uniquement en cuvée perpétuelle depuis 1995 – ce vin est encore en élevage. Nous avons également des partis pris intéressants en terme de millésimes avec un 2007, un 2011, un 2013 et nous ferons même un peu de 2017. C’est un parti pris original, qui intéresse, nous l’espérons, les amateurs curieux.

Où sont vendus les Champagnes Legras et Haas ?
Les Champagnes Legras & Haas sont commercialisés dans 25 pays, et réalisent 85 % de ses ventes à l’export, dont une grande partie en Allemagne, mais aussi en Suède, en Italie... avec une part importante de magnums. Nous sommes très présents dans la restauration. Dans le monde du vin, le Champagne est le seul breuvage qui peut se vanter d’accompagner des moments clés de l’existence en leur donnant instantanément une autre dimension. Au cours de son histoire, le Champagne a su communiquer sur ces instants de fête. Cette notoriété est acquise, à nous de savoir évoluer sans renier ces valeurs, en l’inscrivant dans le registre notamment de la gastronomie. La consommation est aujourd’hui plus pointue, les amateurs s’intéressent au dosage, aux vertus des millésimes, aux accords avec les mets… On ne boit pas du Champagne ; on choisit une bouteille, avec son histoire, son auteur d’où l’importance aussi d’ouvrir nos maisons, et c’est ce que nous faisons, pour partager notre passion.
 

www.legras-et-haas.com

 

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Avec Diadème,
la famille Pérard ouvre un nouveau chapitre

La famille Pérard, laboureurs-vignerons depuis 1662, a rouvert le livre de la maison pour en écrire de nouvelles pages. Diadème, c’est le titre du nouveau chapitre. Une cuvée Blanc de Noirs, qui en grec signifie « ce qui entoure » et qui ne manque ni de piquant, ni de rondeur…


La famille Pérard et Gérard Basset

Ici, les 9 hectares du vignoble produisent 9 cuvées avec les 2 cépages emblématiques de l'appellation : le Pinot Noir et le Chardonnay, principalement en Grand Cru à Ambonnay dans la Marne. Patrick Pérard qui a pris le relais familial en 1996 travaille avec passion sa terre, en piochant le meilleur de chaque technique : vignes enherbées pour éviter l’érosion, les excès en azote et limiter le botrytis, des tondeuses, des charrues hydrauliques, des haies pour augmenter la biodiversité, de nouvelles approches pour revitaliser le terroir… le travail de la vigne répond en droite ligne aux enjeux environnementaux et de respect de la terre.

Sans oublier le respect du client qui commence chez les Pérard par le fait de se rendre tout simplement disponible : « Nous avons une clientèle très fidèle, certains connaissaient mon grand-père, nous recevons aujourd’hui les enfants de nos clients… Notre réseau marche essentiellement par le bouche à oreille et nous accueillons beaucoup à la propriété : notre mode de distribution reste assez familial. Nous commercialisons 50 000 bouteilles et nous avons environ 2 000 clients actifs (cavistes, comités d’entreprises, particuliers) dont 60 % en Belgique. Mais nous souhaiterions aussi développer le grand export pour diversifier nos ventes », explique Patrick Pérard.

C’est dans cet esprit qu’est née la cuvée Diadème, élaborée uniquement avec un Pinot Noir d’Ambonnay, dosée très légèrement pour ne rien masquer de sa nature. Un nom qui peut être, selon les dictionnaires, au choix, un signe de royauté, un bijou de princesse, le nom d’un papillon mais aussi celui d’un oursin.

Mais Diadème, c’est aussi et surtout pour la famille une nouvelle envie de marquer son empreinte. « Nous avons commencé à investir dans une petite cuverie pour développer une ou deux cuvées avec mon fils aîné Virgile, qui me seconde de la production du raisin à l'élaboration du Champagne. Cela va nous permettre de donner une nouvelle personnalité à la gamme et de se faire connaître différemment, notamment à l’export. Diadème, c’est le début d’une nouvelle page de notre histoire.


www.champagne-perard.fr

 

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Veuve Clicquot
signe son premier Extra Brut Extra Bold

C’est le dernier né de la maison Veuve Clicquot. La grande maison iconique suit la tendance des faibles dosages. Elle a curieusement pris son temps pour développer son Extra Brut, Extra Old, qui se veut « un concentré du Carte Jaune », la cuvée brut de la maison Clicquot. Explication avec Philippe Thieffry, responsable Œnologie.


Gérard Basset et Philippe Thieffry

Quelle est l’histoire de cette nouvelle cuvée ?
C’est dans l’histoire des vins de la maison, née en 1772, que cette nouvelle cuvée prend ses racines. La Maison Veuve Clicquot possède à ce jour une des plus belles collections de vins de réserve à travers 20 années, allant de 1988 à 2017. C’est unique en Champagne. Nous avons plus de 400 vins de réserve. Ces « réservistes » jouent l'un des rôles les plus fondamentaux et apportent profondeur, complexité et soyeux à notre cœur de gamme, le Carte Jaune, emblème de Veuve Clicquot qui représente environ 90 % de nos ventes. Nous avons décidé de nous servir de ces trésors pour montrer notre savoir-faire dans l’élevage des vins de réserve. Nous souhaitions aussi créer un vin très peu dosé, nouveau pour Veuve Clicquot.  

Quel est le secret de sa composition ?
Il est composé de six années de réserve, dont les plus précieux de la collection : 2010 (année vive), 2009 (année de plénitude), 2008 (minéralité, puissance, pureté), 2006 (année solaire), 1996 (année du millénaire) et 1988 (équilibre). Bien sûr, c'est un vin sophistiqué, qui « clicquote », plus crémeux, vanillé, avec en complément la pureté. C’est de la haute couture, il n’a pas été improvisé. Nous avons travaillé à l’éprouvette sur une vingtaine de vins. Cet assemblage permet un très faible dosage de 3g/l.

A qui est-il destiné ?
Extra Brut, Extra Old, c’est une goutte d’eau dans la sphère Veuve Clicquot, en termes de quantité. Sa création, avec cet habillage, noir et élégant a été pensée, ciblée, pour devenir l’ambassadeur de « Carte Jaune », sa quintessence. Sa distribution est sélective : grande gastronomie, grands cavistes. C’est un vin que nous avons imaginé pour être bu tout aussi bien à l’apéritif, qu’à table, sur des ris de veau croûtés par exemple.

www.veuveclicquot.com

 

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Champagne Suply : A cheval dans les vignes

Cinquième génération de vignerons, enraciné à la terre qui l’a vu naître, Olivier Suply, propriétaire-récoltant, conduit l’exploitation familiale à Vrigny dans la Marne.


Sélection rigoureuse du raisin, respect du terroir, chevaux pour le labour afin de moins tasser le sol, tel est l’esprit qui caractérise la maison Suply, militant du vin juste, pour cultiver leurs 5 hectares de vignes parmi les 160 hectares de terrain dédiés par ailleurs aux céréales, orge, blé, betterave…

Mais il ne suffit pas d’un vignoble pour faire pétiller le raisin, sans quoi, toute grappe pourrait finir en mousse, encore faut-il réunir les conditions. Olivier Suply, vigneron dynamique, les trouve à la coopérative de son village, dont il est trésorier, qui ne fait pas de bouteilles mais permet à chaque adhérent de disposer d'outils modernes, du pressurage à la mise en bouteille en passant par la vinification et même d’acheter ses fûts pour faire son propre Champagne. « Nous vendons la moitié de notre raisin au kilo et nous travaillons l’autre moitié ». 20 000 bouteilles classées Premier Cru sont ainsi signées par la maison, sur une gamme de 5 Champagnes, avec pour projet en 2018 un nouveau venu : un Blanc de Blancs vieilli en fût de chêne. «  Notre gamme est commercialisée au sein de grosses structures nationales et le reste aux particuliers. »

La maison s’est d’ailleurs ouverte à l’œnotourisme avec un gîte qui dispose de plusieurs chambres aménagées avec goût afin de recevoir les clients : 70 % s’approvisionnent directement à la propriété. « La notion de partage est essentielle pour nous, tant avec les coopérateurs qu'avec les clients que nous recevons à la propriété tout au long de l'année », confie Olivier Suply.
 

www.champagne-suply.com

Marianne Peyri

 

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Les clients fidèles de la Maison Alain Vesselle

C’est sur le terroir de Bouzy, classé grand cru 100%, sur le versant sud de la Montagne de Reims, que la famille Vesselle se consacre depuis 1885 à la culture de la vigne et à l’élaboration des vins de Champagne. En 1979, Alain Vesselle a transmis à son fils Eloi Vesselle, un savoir-faire familial. Depuis 4 ans, Guillaume Vesselle, le petit-fils d’Alain Vesselle, a repris les rênes de la société familiale.


Guillaume Vesselle et Gérard Basset

Guillaume est l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Être l’aîné d’une lignée de viticulteurs, c’est être l’incontestable garant de la pérennité d’un nom, d’une marque, d’un métier… Guillaume a évolué avec et autour d’un savoir-faire familial. Ses deux frères finissent leur cursus : marketing pour Antoine et œnotourisme pour Thibaud.

Guillaume a commencé par restructurer l’identité visuelle des étiquettes et aimerait décliner sa gamme Saint Eloi, pour 2020, tout en s’orientant vers l’export.
« Avec nos 18 hectares de vignes, nous produisons 80 000 bouteilles, le reste part pour le négoce. Je vends 95% de la production à une cliente particulière en France et en Belgique. C’est une clientèle fidèle sur plusieurs générations. Aujourd’hui, les petits-enfants des clients de mon grand-père, Alain Vesselle, viennent acheter notre champagne. C’est valorisant ! Dans les années à venir, je souhaite développer l’export. »

www.champagne-alainvesselle.fr


Bénédicte Chapard