Je m'identifie

Karim Rabatel : ambassadeur à Béziers

03/08
Jardins secrets du sommelier









Karim Rabatel

Les jardins secrets du sommelier Béziers

karim rabatel
ambassadeur à BéziersAprès une période faste qui vit de nombreuses familles du Biterrois s’enrichir grâce au négoce du vin, la cité de Paul Riquet, créateur du Canal du Midi, avait tendance à s’endormir sur son passé. La crise du vin qui taraude le Languedoc depuis des décennies n’a pas arrangé les choses, surtout sur le plan gastronomique.

Pourtant, quelques signes sont là montrant qu’il faut rester optimiste : un grand caviste, Philippe Catusse, fournisseur de grands chefs, a ouvert un formidable bar à vins (Le Chameau Ivre), un restaurant branché attire les curieux de la cuisine moderne (L’Octopus), tandis qu’une autre table, plus ancienne, juste en face de la gare, continue d’étonner les gourmands. Il s’agit de L’ambassade, avec aux commandes, Patrick Olry, un chef toujours aussi inventif fort justement honoré d’un macaron Michelin. Ce dernier taquine à merveille les pattes d’encornets et les artichauts poivrades, le filet de bœuf et la truffe sauce au Banyuls, le ris d’agneau et ses girolles. Ce ne sont là que quelques plats parmi d’autres. Il aime le craquant d’une galette de parmesan et les mariages qu’offre la riche diversité des vins de la région. Pour redorer plus encore son blason côté cave, Patrick Olry a déniché un jeune sommelier, certes encore un peu timide mais bigrement curieux, un de ces gars vaillants qui préfère rester au pays, là où il a fait ses classes. De sa période qui l’a menée au brevet de sommellerie obtenu à l’École des Métiers du Tourisme et de l’Hôtellerie de Béziers, Karim Rabatel, 29 ans, garde un bon souvenir. "Mais c’est surtout Daniel Cruz, mon professeur de restauration au CFA de Montpellier, qui m’a le plus motivé vers la connaissance des vins", précise cet homme fin et élancé qui avoue être à son aise dans un restaurant. "Lorsque l’on est en salle, le premier contact avec le client se fait au travers du vin. Il y a là quelque chose de sympathique, une approche qui n’est pas fait pour me déplaire".

« J’avais une frustration de ne jamais pouvoir exprimer mon côté artistique. Cette sensibilité m’a aidée dans mon approche du vin. De plus en plus, je suis convaincu de faire un beau et vrai métier »C’est donc dans la capitale du Languedoc que démarre sa carrière. Après un passage comme serveur à l’Hôtel Métropole, puis au restaurant Le César, dans le quartier d’Antigone, dont il a apprécié l’ambiance familiale « avec de vraies valeurs », Karim a travaillé six années à la Maison Régionale des Vins, rue Saint-Guilhem, à Montpellier, « un caviste prestigieux installé dans un hôtel particulier avec 1.500 références de vins, une collection impressionnante de Champagnes, whiskies, portos… ».
Puis il est venu à L’ambassade. Pourquoi ? « Tout simplement parce qu’il y a dans cette maison un chef qui attache beaucoup d’importance au vin et qui participe aux choix de la cave, mais aussi en raison de l’ambiance, de cette volonté que l’on sent de vouloir bien faire avec, il faut le dire, une cave déjà solidement constituée ». Patrick Olry, opine : « Même si le chef est impliqué et doit l’être, le sommelier est le patron de la cave.» Il n’a qu’une contrainte : me convaincre ». Il est vrai que la carte des vins de L’ambassade a toujours accordé au Bordelais et à la Bourgogne (Gevrey de Denis Mortet inclus !), et même à l’Alsace, la place qui leur revient. Un choix éclectique et classique conçu pour honorer ses menus «Découverte» ou «Balade» (39 et 57 €). Or, un amateur éclairé, hormis la présence de stars incontestées du vignoble Languedocien (Mas Julllien, La Négly, Prieuré de Saint-Jean-de-Bébian, Rimbert, Barral…), était en droit de réclamer un peu plus de découvertes locales tant la région est en ébullition créative. C’est désormais chose faite, par exemple, avec le délicieux rouge Côtes de Thongue 2005 que Karim propose à ceux qui ne veulent pas casser leur tirelire pour déjeuner. On murmure que, grâce à la proximité de la gare, ils sont quelques-uns à venir spécialement de Narbonne ou d’ailleurs, pour partir à la découverte de la cave sur une cuisine toujours aussi ensoleillée qu’à ses débuts.

Côté loisirs, par la force des choses, Karim Rabastel aime bien voyager en Amérique. Il est vrai que Molly, sa compagne rencontrée à Montpellier alors qu’elle était au pair, poursuit à Richmond, en Virginie, de longues études de Médecine. Il va la rejoindre trois fois par an, ce qui témoigne d’un amour fou ! Quand il ne va pas déguster chez les vignerons du pays, souvent en compagnie du chef (« je lui sers de chauffeur », s’amuse Patrick Olry), Karim reste sage. Pas de boîtes de nuit et encore moins de virées dans les bodegas en période de féria. Sage, il préfère se consacrer à la littérature et à la poésie tout en écoutant de la musique classique. Il faut dire que l’homme est habité par une grande sensibilité. « J’avais une frustration de ne jamais pouvoir exprimer mon côté artistique. Cette sensibilité m’a aidée dans mon approche du vin. De plus en plus, je suis convaincu de faire un beau et vrai métier ». De là à dire que le vin est de l’art? « Quand on goûte les vins de Huet à Vouvray, ou ceux de François Chidaine, juste en face, à Montlouis-sur-Loire, cela ne fait aucun doute », rétorque sobrement le sommelier.
Michel Smith