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Des bouteilles à la mer

01/10
Expérience

Expérience France


Des bouteilles à la mer
Ils étaient nombreux, le mardi 23 juin à Vinexpo, à venir découvrir les premiers résultats d’une expérience originale: l’ouverture de bouteilles immergées plusieurs mois à 8 mètres de profondeur dans le Bassin d’Arcachon! Cette première valait bien l’éclairage du Meilleur Sommelier de France Manuel Peyrondet, délaissant pour un temps le «Bristol» à Paris où il exerce ses talents depuis avril. Philippe Faure-Brac était présent également, curieux de déguster ces Graves blancs et ces Rhums soumis à des conditions insolites. Ils furent accueillis par les deux initiateurs du projet, Franck Labeyrie, co-gérant du Château du Coureau à Haux et viticulteur à Podensac et à Virelade, et Dominique de la Guigneraye, directeur des Rhums Clément à la Martinique.
Philippe Faure-Brac et Manuel Peyrondet.



Manuel Peyrondet, Alain Delort (A.S.P.), Franck Labeyrie








Château du Coureau
Labeyrie Père & Fils
33550 Haux
Tél : +33 (0) 5.56.23.05.03
Envoyer un mail
www.chateauducoureau.com


Rhum Clément

www.rhum-clement.com


L’élevage en immersion, un projet séduisant

Le concept? Immerger durant quatre mois quelque 8000 bout­eilles de vins et spiritueux pour étudier l’impact des mouvements marins. Franck Labeyrie et Dominique de la Guigneraye avaient choisi de conduire l’expérience dans le cadre d’un protocole expérimental mise en place par la faculté d’œnologie de Toulouse. C’est l’œnologue Jean-Christophe Simon qui était en charge du suivi «scientifique», analysant les propriétés gustatives des bouteilles soumises à la pression horizontale de l’eau et au reflux des marées. Une fois l’étanchéité assurée par un surbouchage en plastique, les flacons ont été immergés dans des poches à huîtres durant quatre mois.

L’attente était vive lors de la levée des bouteilles, le 21 juin, aux cabanes Chanquet de La Teste (classées par l’UNESCO)…


Des arômes de la mer?

Franck Labeyrie, initialement inspiré par un reportage de Thalassa, a réussi à s’adjoindre des partenaires pour immerger les milliers de bouteilles de vins et spiritueux... et les protéger ensuite de toute convoitise. L’expérimentation continue, car, comme le précise Jean-Christophe Simon, «quatre mois, c’est un délai trop court pour effectuer des analyses en profondeur. Mais cela confirme déjà ce que l’on savait de l’effet bénéfique du système de balancier sur la rondeur des vins.» Même son de cloche chez Dominique de la Guigneraye: «Les mouvements du monde marin, les différences thermiques forment un autre univers. On retrouve dans le rhum un côté iodé qu’il n’a pas naturellement, cela lui confère une saveur totalement différente».

Manuel Peyrondet a ainsi eu la primeur de déguster deux flacons soumis à l’expérience: un Château du Coureau 2008 et un Rhum agricole Clément, produit par distillation directe de pur jus de canne. Son sentiment? «En matière de recherche sur la concentration et le volume, l’audace paie. Cette opération permet de rassembler les passionnés d’ostréiculture autour du vin. Le constat est assez prononcé, avec un vin de type nouveau au niveau aromatique. D’expérience, on sait que les vins qui vieillissent dans de grandes caves fraîches ont beaucoup plus de panache que les autres. Ce peut être le cas ici aussi, avec des avancées sur les nuances iodées et le type de minéralité recherché».

De fait, soumis à l’air marin, le caractère exubérant des cépages (Sauvignon, Sémillon et Muscadet) s’exprime de façon plus raffinée dans les vins immergés. Et Manuel Peyrondet de conclure: «Ils révèlent davantage de finesse, qui suggère la citronnelle en infusion, la salinité, la légèreté».


Dégustation comparative de Château du Coureau 2008 et du «Blanc des Cabanes» par Manuel Peyrondet, Meilleur Sommelier de France

«A l’analyse organoleptique, le vin suggère une certaine salinité. On distingue un côté végétal, une note mentholée. En bouche, le cépage est moins mis en avant dans le témoin immergé, mais le vin gagne en subtilité avec plus de sapidité et de longueur. L’attaque est aussi vive que pour le vin témoin, avec la même fraîcheur. On sent l’exubérance du Sauvignon (agrumes, pamplemousse, végétal, buis…); la palette aromatique est plus subtile, plus fondue.»


Christelle FAURE-NEMERY