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BIO : Raisonn?e, durable, HQE, bio, biodynamie, biodiversit?? Qu?saco?en viticulture ?

07/11
BIO
BIO France


Raisonnée, durable, HQE, bio, biodynamie, biodiversité… Quèsacoen viticulture ?

Personne ne peut blâmer la génération précédente qui, au sortir de la guerre, devait reconstruire son économie et produire. Le productivisme à outrance a incité l’utilisation doctrinaire et intensive des engrais chimiques de synthèse. Tassement, toxicité, sols stériles, chimie à l’excès étaient envisagés pour sortir de l’ornière de l’après-guerre, nonobstant les conséquences biologiques et humaines. Dans les années 1960, la recherche systématique de l'augmentation de la productivitéfut appliquée à la vigne sans se soucier du vignoble, en préconisant l’œnologie comme savoir-faire du vin. Un début de prise de conscience du biologique, dès 1950, face à l’industrialisation de la viticulture, fut suivi en 1968 du mouvement écolo, pour arriver à une reconnaissance par les pouvoirs publics, dans les années 90, de l’appauvrissement du patrimoine agricole et viticole. Après un premier Grenelle de l’environnement puis un deuxième signé en juillet 2010, la prise en compte se généralise. De la lutte raisonnée au bio, à la biodiversité, à la biodynamie ou encore la norme Haute Qualité Environnementale, le mouvement s’intensifie. Notons qu’en France, entre 2009 et 2010, la surface viticole bio a progressé de 32,8% (= 52.000 ha) soit 6,2% de la surface totale plantée en vignes. 40% sont certifiés et 60 % sont en cours de conversion. A l’horizon 2012, 80.000 hectares seront bio, soit près de 10 % des surfaces viticoles françaises.
La viticulture biologique a considérablement évolué et s’est crédibilisée au cours de ces dernières années sur les plans économique et technique. Le biologique ne peut exister sans le maintien - ou la création - d’une biodiversité de voisinage et la réactivation des sols. Reprenons simplement la définition d’Albert Demolon (1881/1954), fondateur de l’Association Française pour l’Etude des sols: « Le sol estla couche superficielle de la terre, qui évolue sous l’action de divers facteurs d’ordre

climatique, chimique et biologique et sert de support au développement des plantes.» et abordons quelques précisions pour comprendre la profonde remise en question des dogmes et des méthodes de cultures de la vigne pour un avenir écologique, durable, environnemental et une viticulture de qualité:
La viticulture raisonnée a pour objectif de limiter les intrants et molécules utilisées par l’usage maîtrisé de produits phytosanitaires homologués, en réduisant les doses et en travaillant les sols. Cette viticulture ne traite plus systématiquement grâce à une meilleure observation et connaissance du vignoble.
La viticulture bioa pour précepte que seul le raisin cultivé en bio existe. Les vignes sont traitées uniquement avec des produits d’origine naturelle, la démarche interdisant tout produit chimique de synthèse. En revanche, le soufre et le cuivre sont principalement employés car ce sont des produits d’origine minérale. Le travail sur une période de conversion de trois ans consécutifs en respectant les règles permet d’obtenir la certification AB. (Max. 30 kg de cuivre métal par hectare sur 5 ans. La moyenne girondine n’est que de 4 kg /ha/an).
La biodynamie repose sur une technique agricole biologique, codifiée au début du XXe siècle par l’allemand Rudolf Steiner, qui prend en compte l’influence des trois éléments: Terre, Lune, Soleil dans le développement de la vigne et de ses défenses naturelles. Cette méthode est plus contraignante que le bio par le respect du calendrier lunaire, de la culture des sols, de l’usage de tisanes et préparas en adéquation avec le minéral et l’animal d’après le cycle des astres. C’est la recherche d’un équilibre qui prend en compte la conscience de l’élément suprasensible habitant chaque être vivant, qu’il soit animal ou végétal, et des effets qu’exercent sur lui les forces de vie.

Du concret en Gironde…


«A partir de 2007, j’ai pris spécifiquement en charge la partie viticole en tant que Conseiller Viticole Bio et chargé d’expérimentation Viticole Bio au sein de la Chambre d’Agriculture de la Gironde. Ma mission consiste à informer les viticulteurs et à les assister dans leur projet de conversion. J’explique les orientations pour eux et leur entreprise, leur implication, les modifications des pratiques viticoles, le gros travail des sols, les produits utilisables, la protection phytosanitaire, les investissements par rapport à leur situation actuelle, les modalités administratives, les aides possibles, puis les accompagner au niveau technique sur 3 ans, avec pour objectif la certification et la possibilité d’apposer sur l’étiquette le logo français AB. Nous avons plus de 358 viticulteurs déclarés en 2010 en Gironde. Si l’on prend le vignoble bordelais (117.500 ha chiffre CIVB), la superficieen conversion était de 2.782 hectares en 2008, de 4.086 hectares en 2009, et plus de 5000 en 2010. Les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon figurent dans le peloton de tête. Le projet ORWINE, un projet européen pour la vinification bio n’excluant pas les cahiers des charges privés, n’a pas vu le jour en 2010 comme annoncé, car quelques pays n’ont pas admis certaines limites contraignantes.»


Propos recueillis auprès d’Etienne Lavau
– Chambre d’Agriculture de la Gironde.


Plus d’explications encore dans la démarche personnelle de passionnés:

De la lutte raisonnée au raisonnable…

Jean-Michel BAUDET

propriétaire du Château Monconseil-Gazin en appellation Blaye-Côtes de Bordeaux et Président de l’Union des Côtes de Bordeaux.

« Les 42 hectares de vignes du Château Monconseil-Gazin sont conduits en agriculture raisonnée. Nous avons voulu une démarche environnementale pragmatique et, donc, avons signé la charte Terra Vitis depuis 2004. L'objectif est de diminuer les intrants, les produits phytosanitaires, et d’augmenter la qualité tout en préservant l’environnement. Ceci sans accroître les prix de revient, respectant ainsi le consommateur en matière de rapport prix/qualité. Nous avons une approche plus progressiste en prêtant attention à tous les aspects, de la plantation à la mise en bouteilles. Nous recherchons un développement durable de la propriété en termes écologiques et économiques. L’analyse des sols, les modes de culture, les traitements autorisés et contrôlés sont pris en compte. Les audits internes et externes permettent de maîtriser les interventions et les produits utilisés. Rien n’est fait systématiquement: nous réfléchissons en permanence dans l’optique d’élaborer un très bon vin. Je me prétends entrepreneur « évolutif et non dogmatique ». Pour le raisonnement de notre viticulture, les aspects sociaux, la formation, la sécurité de nos salariés, les contrôles techniques vont dans le sens du Grenelle 2 imposé par le Ministère de l’Agriculture. La charte Terra Vitis permet d’aboutir à un produit de haute qualité, éco-responsable, et d’apposer le logo sur l’étiquette qui peut être un atout commercial et de communication. Nous avons plus d’échos à l’étranger - notamment en Suède et aux Pays-Bas - qu’en France, où le sigle est peu connu. Les cavistes et professionnels sont assez sensibilisés. C'est un plus pour nos vins. Je pense que nous sommes cohérents pour entrer dans l’univers qualitatif des nouvelles normes environnementales HVE mises en place par le gouvernement en 2011.»
www.vignobles-michel-baudet.com

Emilie ROULLÉ,

ingénieur agronome et œnologue pour les vignobles Marie-Laure Lurton en
appellation Margaux, Moulis et Haut-Médoc.




«Sur les trois propriétés, nous pratiquons une agriculture respectant en tous points le cahier des charges Terra Vitis. Une charte qui intègre l’ensemble de la production en tenant compte de l’environnement et du développement durable. Cela permet d’aller plus loin dans la démarche avec des restrictions raisonnées sur le terrain. En sachant qu’avec le Grenelle 2 mis en place par le gouvernement, nous nous orientons vers une agriculture à Haute Valeur Environnementale. Nous n’avons pas d’informations détaillées, mais nous savons qu’il y aura plusieurs niveaux définis par le Ministère de l’Agriculture. Par le respect et le suivi de la charte Terra Vitis, les trois propriétés de Marie-Laure Lurton seront parmi les bons élèves. L’observation régulière du vignoble permet de prendre les décisions pour la vigne dans son milieu. Le cadre de l’exploitation est important pour préserver la biodiversité, l’environnement et les auxiliaires, comme faune, flore. Prenons l’exemple des abeilles qui viennent s’installer dans nos vignes: un signe de «bien-être»… Nous avons contacté un apiculteur pour envisager le développement des ruches sur une des propriétés. Nous cherchons à valoriser l’écosystème, avec des exploitations envisagées dans un environnement global où le volet social est très important. L’équipe doit être impliquée, avec des formations et des informations pratiques et concrètes. Nous avons même réalisé un audit de développement durable pour aller encore plus loin dans notre démarche.»
www.marielaurelurton.com

Erwan FLAGEUL,

propriétaire du Château Brillette en appellation Moulis et Hervé DIEZ, Directeur Technique.



« Notre terroir est une interaction entre le climat que l’on subit, la géologie, les sols de graves de Château Brillette et la topographie : une colline. Nous avons réalisé une étude de sol de la propriété pour mieux appréhender les différentes zones dans la globalité du domaine. Sur la colline de sols graveleux se trouve le vignoble. Sur les sols d’alluvions, plus riches, avec de l’argile, se situe la forêt. Le premier est cerné par la seconde qui bloque les masses d’air froid et minimise la propagation de maladies. Être isolé par ses bois et ses champs fait de Brillette une enclave viticole protégée et permet de réduire les intrants phytosanitaires de 50 % en 3 ans. Nous suivons notre propre système, plus que raisonné et proche du bio avec de nombreux essais sur des parcelles données.
Par exemple, nous n'utilisons pas les insecticides car nous pensons qu’il est difficile de connaître les tenants et aboutissants de chaque produit. Nous travaillons les sols afin d’éviter systématiquement les désherbants. Nous sommes en « ultra-raisonné » au printemps et plutôt bio en été, avec une remise en question à chaque millésime. La forêt suit un plan de gestion sur 15 ans avec une société extérieure : mise en place de haies, d’un verger, pour conserver l’équilibre de la propriété viticole dans un milieu protégé forestier avec faune et flore, et une réserve de chasse. L’équipe est sensibilisée au microcosme qui nous entoure… voir des lapins, un chevreuil, des fleurs, une grande diversité d’oiseaux concourt à la bonne santé de la vigne et au moral de notre équipe. Dans le même esprit, nous diminuons notre bilan carbone en réduisant les passages du tracteur dans les vignes, en modifiant le format des cartons d’expédition et le verre utilisé (réduction de 30 % des matières sèches)… Nous observons beaucoup pour conserver l’équilibre, la biodiversité de la propriété et travailler dans un environnement sain afin d'obtenir un vin de terroir, un vin équilibré. Notre terroir a une histoire. Nous voulons le préserver en évitant la modélisation et l’enfermement dans un carcan classique qui serait, certes, plus simple à suivre mais qui ne nous ressemblerait pas. Avoir une ouverture d’esprit, en mesurant les risques, pour maîtriser au mieux les incidences de nos décisions et de nos gestes dans un milieu en équilibre auquel lequel nous devons nous adapter pour le faire perdurer.»
www.chateau-brillette.fr



Du raisonné au bio…

Philippe CARILLE,

propriétaire du Château Poupille en Castillon Côtes de Bordeaux.



« Propriétaire du domaine familial, Château Poupille, depuis 1985, j'ai travaillé avec pour objectif la certification AB 2004. Actuellement, 10 des 16 hectares en Côtes de Bordeaux - Castillon, le reste en Saint-Emilion, que je possède et travaille sont "labellisés" en agriculture bio. Le bio n’empêche en rien de réfléchir sur le côté environnemental, bien au contraire : j’utilise les sarments pour une chauffe des locaux de la propriété. J'essaie de diminuer mon bilan carbone et d'être en autonomie énergétique totale : 500 m² de panneaux photovoltaïques permettent d’avoir une autonomie totale en terme de chauffage et d'électricité. Mais mon principal objectif reste de vinifier des vins bio de qualité. Il faut d’abord élaborer un bon vin. Ensuite, être bio dans sa tête et sur le terrain avec un travail très raisonné dans les vignes, prenant en compte le cuivre, le soufre et les levures indigènes (2,4 kg -voire beaucoup moins- en 2010 par rapport aux 5 kg autorisés par ha/an, selon les millésimes), trois composants permettant de faire des bons vins et des vins bio en Gironde. Après 25 années de recul et des conditions climatiques plutôt positives excepté en 2007 et 2008, nous investissons, mécanisons. Nous nous adaptons et nous constatons que près de 30 % de viticulteurs en Castillon Côtes de Bordeaux se sont lancés dans la conversion bio. Le marché se développe, il faut valoriser et accepter la certification pour rassurer les consommateurs, notamment en Europe du Nord. L’export représente pour nous près de 95 % de nos ventes. Les aides à la conversion sont faibles mais existantes, de l'ordre de 350 €/ha et 40 % sur l’investissement total. Nous avons un logo garant de notre qualité et face aux normes du Grenelle 2, de la Pac 2013, le bio sera certainement de nouveau d’actualité. »
Château Poupille - Vignobles Carille
33350 Sainte-Colombe - Tél.: +33 (0)5 57 40 33 04



Lionel RAYMOND,

Vignobles Raymond en AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, sur la commune de Saint-Laurent-du-Bois (l’un des plus gros producteurs de bio de France).

« La totalité de la propriété familiale compte 180 hectares, dont 142 ha certifiés bio et le reste en conversion. Nous respectons un cahier des charges européen et QualiFrance, appartenant au groupe Véritas, qui est notre organisme certificateur. Ingénieur des Arts & Métiers, avec une expérience dans le secteur pétrolier, dans le bois en Amérique du sud, dans le carton en Espagne, j’avais envie de devenir entrepreneur. Mi-mai 2000, nos voisins vendaient leur propriété qui, déjà, était en conversion. Sachant que je revenais à la propriété, mon père décida de la racheter. L’aventure bio était lancée. Nous savions que dans les dix prochaines années, nous serions sous le joug des industriels. Nous avons tenté le « drop » avec com­me base la qualité du produit, visant une rentabilité si possible correcte et le développement de marché. Nous avons décidé de ne pas passer par le négoce bordelais pour une meilleure profitabilité. Une partie de la production porte­rait des étiquettes spécifiques de marques pour la grande distribution, et l'autre partie - 4 entités Châteaux en AOHC... Appellation d'Origine Hyper Contrôlée, si l'on peut dire ! - plus haut de gamme se tournerait vers les circuits traditionnels. Notre gamme Châteaux (la Garde en Bordeaux Supérieur, La Joly en Cadillac-Côtes de Bordeaux et blanc sec en Saint-Macaire, ainsi que les trois couleurs en Bordeaux) ne représente que 20 % du chiffre d'affaires.
Parallèlement, nous avons une activité de négoce pour nous développer, avec des vins bio de Bordeaux et de Bergerac. Il me fallait une capacité de mise en bouteille et des chais de vinification plus importants. J’ai donc construit 3.600 m2 de bâtiments de travail, 1.600 m2 de chais de vinification, un quai de chargement de 540 m2 et deux structures recouvertes de panneaux photovoltaïques pour entreposer le matériel et abriter des bureaux. Un investissement lourd, mais voulu dans un esprit bio et une optique de rentabilité. Une opération presque blanche pour plus de qualité et plus de performance, afin de travailler dans de meilleures conditions et respecter les normes de­mandées par les marchés et les clients qui nous font confiance. Nous devons répondre au mieux et capitaliser pour la sortie de crise. L'avortement de la Charte de vinification Bio européenne est regrettable. Il faut un cahier des charges avec des plafonds de CU (cuivre), des doses de SO2 diminuées et des levures autorisées cohérentes. L'objectif est d’arriver à donner des seuils dans les analyses de nos vins, pour avoir des arguments et être crédibles. En ce qui nous concerne, nos raisins sont bio et l'ensemble des lots vinifiés subit 90 analyses de pesticides par an ! Je suis viti-négociant, j'envisage de robotiser la chaîne d'embouteillage et de m'investir personnellement dans le conseil interprofessionnel des vins bio car le problème des résidus de ces produits me tient à cœur et j'aimerais pouvoir clarifier les choses. »
NB : Lionel Raymond vient de produire un vin bio Merlot sans soufre ajouté, "L'Authentique de Lagarde" 2010.
www.vignobles-raymond.com




Du bio à la biodynamie…

Nicolas JOLY et sa fille Virginie,

propriétaires en appellations Coulée de Serrant (monopole de la famille), Savennières-Roche-aux-Moines et Savennières.



Depuis 25 ans, je tente de démontrer “contre vents et marées”, c'est-à-dire contre des intérêts économiques, que le seul moyen d'exprimer une AOC est de faire vivre le lieu et la relation existant entre la vigne et ses racines (géologie) et ses feuilles (microclimat). Le goût d’un lieu est l'originalité qui a justifié la création des AOC. L'agriculture moderne utilise des désherbants qui tuent les sols et des traitements dits “systémiques” remontant dans la sève, qui troublent la photosynthèse. Ce qui a induit une industrialisation du travail de cave pour créer artificiellement des goûts dans le vin, sans quoi le vin issu d'une telle agriculture serait invendable. Combien de consommateurs savent que même dans des grands vins, il y a des goûts totalement arbitraires qui n'ont rien à voir avec l'AOC ? Très peu. C'est du fait de ces erreurs que les vins se ressemblent tous. La France est un des pays les plus riches en diversités géologique et climatique. Au lieu d'enseigner comment les faire vivre, on les tue et ensuite, on parfume le vin en cave d'une manière tout à fait légale. Le constat est consternant. Procédé économiquement très rentable: le goût étant créé au cellier, le rendement peut être doublé ou triplé sans risque de dilution. L’agriculture biodynamique est la seule à ce jour qui intensifie la vie d'un cep et d'un lieu au point d'éviter toute technologie en cave. C'est le retour à la vérité du goût des AOC et à la puissance viticole de la France dans le monde. Un vin n'est pas bon uniquement parce qu'il est en biodynamie. Cette méthode, c’est l'amélioration d'une sorte d'acoustique dont la vigne se nourrit par la vie du sol et par le climat. Il faut bien sûr qu'elle soit bien utilisée, que le cépage soit bien né et adapté au lieu, que ce lieu soit un véritable terroir. Le propriétaire doit agir comme un chef d'orchestre et ne jamais se substituer aux musiciens que sont le climat, les vignes, le paysage, les animaux justement choisis… L'agriculture redeviendra un art quand on comprendra les forces qui convertissent un bourgeon en branches, feuilles et fruits. La matière n'est faite que d'atomes en mouvement permanent, ce que les asiatiques nommaient «vibration». C'est par une bonne utilisation de ce monde vibratoire que l'on créé un grand vin. Il n'y a rien à acheter, simplement des règles à respecter et de l'enthousiasme à apporter. L'homme, par ses pensées et ses forces de cœur, est un émetteur. C'est un peu ce que l'on appelait "la main verte" ou le «green thumb»en anglais (pouce vert). En conventionnel, un viticulteur dépense entre 1.200 et 1.500 euros par hectare et par an en produits : c'est un beau marché. En biodynamie, on peut dire - à la louche - que ce que l'on économise en produits phytosanitaires est dépensé en main-d'œuvre. Mais c'est très incomplet car la clef économique véritable, dont on ne parle jamais, est le rendement. Quand on entend quelqu'un dire que la biodynamie coûte très cher, il faut traduire : j'avais des gros rendements que la nature ne peut pas donner sans artifices et je suis obligé de les réduire si je veux faire de la biodynamie et supprimer la technologie au cellier. Les clefs de la rentabilité ont été une productivité doublée, triplée (parfois plus) et une chirurgie esthétique de plus en plus intense au cellier. En fait, ce qui est en cause c'est tout un système d'enseignement asservi aux lois économiques, qui a présenté une œnologie massive de cave comme le must le plus absolu ! Et la presse en a été complice. On ne parle jamais de l'être de la vigne, des lois secrètes qui lui permettent d'être elle-même et d'exprimer un lieu à sa manière. Le client est las des «faux bons goûts» sans typicité de terroir qui ont envahi trop de vins d'AOC. L’authenticité des saveurs est le nouveau marché des vrais amateurs et là, beaucoup de viticulteurs - souvent peu connus - prennent une place que leur déontologie, souvent considérée dans le passé comme désuète, justifie pleinement : le marché change.»
www.coulee-de-serrant.com


Alain MOUEIX,

Propriétaire des Châteaux Fonroque (SEGCC) et Mazeyres (Pomerol), membre de Biodyvin et Président de l’AGCCSE

«L’agriculture biologique, qui prend en compte l’eau et la terre, se révèle meilleure que l’agriculture classique. Depuis 2002, je voulais aller plus loin dans la démarche et considérer les quatre éléments qui sont l’eau, l’air, la terre, et le feu: faire mes propres composts, retravailler les sols pour retrouver l’équilibre dans la culture de la vigne et recréer le lien entre plante et astres. Je voulais passer d’une certaine horizontalité (terre) des vins en bio à la verticalité des vins en biodynamie. Redonner du relief à mes vins. Les maladies de la vigne sont liées à l’eau. En bio, il faut savoir gérer l’apport du cuivre comme un oligo-élément et non comme un métal lourd en surdosage, sinon l’effet inverse se produit. Le maître mot en biodynamie est «l’harmonie» entre une plante et un sol, et les gens qui les cultivent. Le facteur humain est prépondérant. Dans nos sociétés occidentales, on a tendance à placer l’homme au centre de tout. Dans les sociétés orientales, l’homme est un élément de la nature et il doit l’observer pour la comprendre et l’interpréter avec ses sens, voire son intuition. Puis réagir et utiliser les méthodes douces, rééquilibrer les choses pour atteindre l’harmonie. C’est une quête permanente. La science a beaucoup évolué, les fondamentaux aussi. Il est dommage qu’avec les connaissances scientifiques actuelles, nous n’essayions pas d’accepter que la dimension énergétique de ce qui nous entoure est essentielle. Le jour où la recherche fondamentale se penchera sur la biodynamie, elle ira beaucoup plus loin que nos connaissances actuelles. Mais il existe un certain obscurantisme. Certes, l’économie en produit phytosanitaire est palpable, le coût en main-d’œuvre est plus élevé (plus de temps, plus de passage, un travail de prophylaxie, une capacité de force de frappe…). La motivation de l’équipe est indispensable. On regarde, on observe, on s’implique: en oubliant les habitudes pour redonner un sens aux tâches, le scepticisme disparaît vite, le métier devient plus compliqué mais plus intéressant et moins nocif pour la santé.
L’avortement du texte européen est dommageable et donne à ceux qui critiquent le bio des armes supplémentaires. Pour nous en biodynamie, la charte de vinification va déjà plus loin. Avec Biodyvin, rien n’est autorisé dans la vinification, excepté du soufre à moins de 50 % de la dose autorisée en culture traditionnelle.»
www.chateaufonroque.com
www.mazeyres.com


Emmanuel CAZES,

propriétaire du Domaine CAZES, en Roussillon

« A la suite d’une réflexion entamée dans les années 90, du constat d’un appauvrissement des sols, de maladies difficiles à éradiquer, la biodynamie nous intéressait. Il était impératif de passer par le bio pour pouvoir travailler ensuite en biodynamie. 30 hectares tous les 5 ans ont été convertis en bio, puis en biodynamie, à partir de 1997. Depuis 2005, tous nos vins, issus des 190 hectares, sont certifiés AB, Biodyvin et contrôlés par Ecocert. Nous ajoutons une petite pastille sur nos bouteilles pour indiquer notre démarche. Les composts, les tisanes, les préparas et le travail de la terre en biodynamie ont permis de redonner vie au sol et à l’environnement du pied de vigne. Nous utilisons moins de 200 g de cuivre par hectare, car la vigne en conversion bio développe une meilleure résistance et nous maîtrisons mieux les méthodes de travail. Bien évidemment, nous utilisons un peu de soufre contre l’oïdium, mais le souci actuel dans notre région du Roussillon est plutôt la pression du ver de grappe. Cela nous oblige à combiner plusieurs méthodes naturelles car aucune n’est vraiment la solution miracle. Nous réalisons de plus en plus de sélection massale entrant dans la logique biodynamique et paysanne, non pas avec un esprit écolo ou marketing, mais pour la diversité des ceps sur une même parcelle qui permet de donner davantage de caractère, de personnalité à nos vins. Nous avons aussi un partenariat avec une association ornithologique de la région et dénombrons plus de 60 nichoirs sur la propriété : une solution contre les insectes. Nous avons replanté des bosquets pour développer faune et flore, afin que que la nature reprenne peu à peu ses droits. Bio, biodynamie, biodiversité sont trois mots liés entre eux. Ce n’est que du bon sens. Nous travaillons par anticipation, réflexion, observation. Je suis politiquement actif au niveau des instances bio de la région. Agriculteurs et viticulteurs parlent des mêmes problèmes sur le terrain, mais surtout du plaisir qu’ils ont à travailler de la sorte et dans cet esprit. Sur le domaine, nous avons ouvert un restaurant servant des produits bio et locaux. Nous avons obtenu un prix national de l'oenotourisme en 2010 et cherchons à développer des produits «haut de gamme». Nous avons aussi un projet avec des caves coopératives travaillant en bio, dont nous pourrions suivre la vinification pour étoffer notre gamme dans des régions différentes, en mettant en synergie le groupe Advini (Jeanjean) et notre expérience bio.
J’ai suivi le dossier bio au niveau européen, qui hélas a été réfuté. Le bio a changé les pratiques dans la vigne. Le dossier européen précisait des normes de vinification pour élaborer des vins de bonne qualité sans mesures correctives à partir d'un bon raisin bio. Cela permettait de freiner les ardeurs de certains qui viennent au bio par opportunisme et non par conviction. L’arrivée d’un cahier des charges européen n’aurait rien changé pour nous. Nous maîtrisons aussi la vinification bio par le suivi de nombreuses chartes privées.»
www.cazes-rivesaltes.com

Dans l’esprit du dernier Grenelle,
l’engagement Haute Qualité Environnementale…

Château BARDE-HAUT

Saint-Emilion Grand Cru



Vous partez découvrir l’appellation Saint-Emilion sur la commune de Saint-Christophe-des-Bardes par la voie classique, la D243 ? Détournez votre chemin en prenant la route vers Troplong Mondot : vous découvrirez aux détours des virages le Château Barde-Haut, un Saint-Emilion Grand Cru de 17 hectares. Son bâtiment ultramoderne s’intègre dans le paysage. Sa philosophie repose sur le durable et l’environnemental : dans cette perspective, il vous faut aller plus loin pour comprendre.
Dans ce paysage contrasté, vallonné, étonnant et d’une quiétude enivrante, vous allez à la rencontre d’un esprit de famille : celle des Garcin. Vous les connaissez sur l’appellation Pessac-Léognan, avec le Château Haut-Bergey où Sylviane Garcin-Cathiard n’a eu de cesse de développer et d’améliorer l’outil de production et de réception depuis 1991 : 20 ans plus tard, ce vignoble atteint les 45 hectares de vignes. Depuis ce socle solide du Château Haut-Bergey, la famille a développé son savoir-faire à Pomerol, au Clos l’Eglise et, en 2000, son savoir-être au Château Barde-Haut.



L’entreprise familiale qui regroupe Gaston, Sylviane, Hélène, leur fille, et Patrice , leur gendre, s’est entourée des plus pertinentes et compétentes personnalités dans le domaine des sols, des techniques, des pratiques environnementales pour comprendre ses propriétés en fonction de sa conviction. Le pas a été franchi au Château Barde-Haut, dans l’univers proche des normes Haute Qualité Environnementale, d’après le Grenelle 2. Challenges et investissements non négligeables… Le projet a pris forme avec le concours des architectes Jean Bernard et Jérémy Nadau. L’introspection du site, les caractéristiques ontologiques, le suivi au plus près des normes HQE ont orienté la réflexion à partir de bâtiments vétustes pour la construction de deux volumes. D’une part les ateliers, couverts d’une toiture végétalisée, et d’autre part les cuviers et la salle de réception se glissent au creux du vide laissé par les édifices de pierre. Le contemporain se mêle à la mémoire du site : l’acier Corten se patine au gré du climat et côtoie la roche calcaire, richesse du lieu et du terroir. L’esthétique des bâtiments suit la qualité technique des installations : la partie semi-enterrée présente une inertie thermique naturelle, une éolienne alimente les éclairages extérieurs, des puits canadiens creusés le long des constructions permettent de réduire les amplitudes thermiques du chai et du cuvier. Des pompes à chaleur, selon la demande énergétique, régulent l’air chaud ou froid du process. La toiture végétalisée renforce l’isolation et l’eau de pluie est récupérée. Outil design, performant, respectueux de l’environnement dans l’esprit du Grenelle et de celui de la famille. Un investissement lourd, certes, mais les Garcin, impliqués depuis de nombreuses années dans la biodiversité et la lutte raisonnée se sont donné un challenge : un bilan énergétique et écologique sans commune mesure.

Les vignobles Garcin :
Pomerol : Clos l’Eglise • Pessac-Léognan : Châteaux Branon et Haut-Bergey
Poesia, Clos des Andes et Pasodoble : suivis par Patrice et Hélène en Argentine
www.vignoblesgarcin.com

Actions collectives…

Biodiversité… la juridiction de Saint-Emilion, classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, représente un équilibre fragile entre éléments patrimoniaux, paysagers et environnementaux. Il fallait valoriser et protéger ce territoire. Ainsi, le Conseil des Vins de Saint-Emilion, les communes de la Juridiction de Saint-Emilion, les communes de Lussac et Puisseguin et la ville de Libourne ont mis en place un projet « paysage et biodiversité ». L’agronomie (diminution des pesticides, augmentation de la qualité de la production viticole), l’écologie (biodiversité), le paysage (protection du patrimoine) et le côté socio-économique (la qualité de vie des habitants) ont été pris en compte. Le projet et la méthodologie ont été initiés dès 2009, puis un comité de pilotage et un comité scientifique et technique ont été créés en 2010 pour la réalisation du diagnostic environnemental et paysage. 2011 verra la mise en place des premières actions collectives et concrètes.

Remerciements particuliers à J. Fourès, œnologue-consultant et formateur à l’Agence Vinivitisbio ( www.vinivitisbio.fr ), Alain Moueix – Membre Biodyvin et propriétaire du Château Fonroque, et Nicolas Joly pour leurs explications et la vulgarisation du sujet.
Florence Varaine


École

L’Ecole du Vin et des Terroirs, située à Puligny-Montrachet, est une association à but non lucratif fondée en 2008 par des personnalités du monde viticole bourguignon.
Son objectif est de proposer un élargissement des connaissances dans le domaine la vigne et du vin, avec une approche écologique, environnementale et humaniste. Ces sujets sont abordés avec une vision nouvelle, différente de la vision courante actuelle, trop mécaniste et trop réductrice.
www.ecolevinterroir.org

Règles de vinification Bio à l’étranger :

• NOP: National Organic Program (US) – www.ams.usda.gov/NOP
• Bourgeon Bio Suisse – www.bio-suisse.ch

Règles de vinification Bio en France:

• Charte Vin Bio FNIVAB – www.fnivab.org
• Nature & Progrès – France et Belgique – www.natureetprogres.org

Règles de vinification Bio-Biodynamie en France:

• Demeter– www.bio-dynamie.org
• Biodyvin – www.biodyvin.com
• Bio Cohérence: en 2011 de la FNIVAB*
• Chiffres et doc: Agence Bio www.agencebio.org
* Fédération Nationale Interprofessionnelle des Vins de l'Agriculture Biologique

Les Logos :

Les livres :

Clés et méthodes
pour réussir
sa conversion
en bio

d’Aurore Messal
aux éditions Féret

Parfois intéressant de se mettre à la place de, pour mieux comprendre les choses!... Cet ouvrage permet aux producteurs de la filière vitivinicole d'aborder les avantages et les inconvénients existant dans le domaine pour une conversion réfléchie vers le bio.

Prix: 12,90 € TTC - 64 pages




Le vin,
la Vigne
et la biodynamie

de Nicolas Joly
aux éditions Sang de la terre

Avant d’échafauder de grandes théories, lisez le livre de Nicolas Joly sur les principes et fondement de la biodynamie. Lors d’une conférence sur le sujet à l’INSEEC de Bordeaux en fin 2010, il a convaincu et enthousiasmé plus d’une centaine d’élèves en Master spécialisé Vin !

Prix: 9 € TTC - 190 pages